Par Adnan Abu Amer
Depuis que le président américain Donald Trump a pris ses fonctions à la Maison Blanche le 20 janvier, les Palestiniens ont senti leurs épaules s’alourdir à la perspective des tensions à venir du fait des positions favorables à Israël et hostiles aux Palestiniens du nouveau président. Trump a exprimé son intention de déplacer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem et semble croire que les colonies en Cisjordanie ne constituent pas un obstacle à la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens.
De fait, Trump a commencé son discours d’inauguration le 20 janvier en affirmant qu’il voulait éliminer le terrorisme islamique radical. Bien que Trump n’ait pas mentionné la Palestine, Mousa Abu Marzouk, un membre du bureau politique du Hamas, a déclaré le même jour que la position de Trump contre la Palestine ne garantissait pas la stabilité de la région, mais incitait au contraire les extrémistes israéliens à se montrer plus extrémistes encore.
Le Hamas semble croire que, sous le règne de Trump, Israël va pouvoir facilement augmenter encore la pression, en renforçant le blocus imposé à la bande de Gaza depuis 2006, ou même en lançant une attaque militaire contre Gaza. Et comme pour confirmer ces craintes, le 24 janvier, quelques jours après l’inauguration de Trump, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, a parlé de la possibilité de réoccuper un quart de Gaza lors de la prochaine guerre.
Husam Badran, un porte-parole du Hamas et un ancien commandant de son aile militaire, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, dans le nord de la Cisjordanie, a déclaré à Al-Monitor: « Le Hamas est un mouvement de résistance qui n’a qu’un seul ennemi : Israël. Nous opérons dans les territoires palestiniens occupés. La nouvelle administration des États-Unis devrait réexaminer sa politique dans notre région et comprendre qu’on ne peut pas éternellement contrôler la vie des gens et les empêcher de réaliser leurs ambitions. Les peuples de la région ont droit à la liberté comme le reste du monde.”
Le 24 janvier, le Hamas a publié une déclaration, à propos du projet étasunien de déplacer leur ambassade à Jérusalem, pour s’élever contre la politique biaisée de Trump en faveur d’Israël. La déclaration dit que la position du président américain augmente l’instabilité dans la région en mettant de l’huile sur le feu, et elle appelle les Palestiniens à se dresser contre Trump et à adopter la résistance comme choix stratégique.
Le Hamas a aussi noté la relation étroite de Trump avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi, qui a été le premier président arabe à féliciter Trump pour sa victoire aux présidentielles. On sait que Sisi ne cache pas son hostilité envers le Hamas et qu’il a fait de gros efforts pour assécher ses sources financières et limiter ses capacités militaires en détruisant les tunnels entre Gaza et la péninsule du Sinaï.
C’est pourquoi, Ahmed Yousef, un ancien conseiller d’Ismail Haniyeh, le vice-président du bureau politique du Hamas et le fondateur de la Maison de l’Institution de la Sagesse pour la Résolution des Conflits et la Gouvernance à Gaza, qui a vécu pendant de nombreuses années aux Etats-Unis, jusqu’en 2006, a dit à Al-Monitor : “Le fait que Trump soit le président des Etats-Unis va offrir à Israël une bonne occasion de porter un grand coup à Gaza en recommençant à y ‘tondre le gazon’ comme on surnomme la politique adoptée par Israël depuis 2006. Une agression israélienne contre Gaza pourrait commencer au Sinaï, où se trouvent les organisations armées.”
Yousef a ajouté : “Si l’Egypte et Israël se mettaient à croire que le Sinaï est devenu un terrain fertile pour les organisations [terroristes], ils accuseraient Gaza de fournir un soutien financier et armé à ces organisations, et cela servirait de prétexte pour obtenir une couverture américaine pour attaquer [ Gaza]. C’est pourquoi les organisations actives à Gaza – telles que le Hamas et d’autres factions de la résistance armée – doivent cesser d’exhiber leur puissance militaire, car la situation en ce moment est critique et il faut mieux éviter les tensions sur la sécurité.”
Les inquiétudes du Hamas au sujet de Trump ne signifient pas que son prédécesseur, Barack Obama, ait eu des relations pacifiques avec le mouvement. Obama a soutenu deux guerres menées par Israël contre le Hamas en 2012 et 2014 – même si des différends politiques existaient entre Tel-Aviv et Washington qui voulait mettre fin plus vite à ces guerres. Mais sous le règne de Trump, il n’y aurait même plus de telles différences de point de vue entre les deux pays.
Osama Abu Arshid, un chercheur palestinien au Centre arabe de recherche et d’études politiques de Doha et résident des États-Unis, a déclaré à Al-Monitor: “Attaquer le Hamas à Gaza serait une décision israélienne, même si Trump offrait à Israël un soutien plus agressif pour frapper le Hamas. Trump est le président le plus populiste, le plus extrémiste et le plus arrogant qu’il soit et il pourrait se tenir à côté d’Israël dans son agression contre les Palestiniens, tout en qualifiant Sisi et le président syrien Bashar al-Assad de modèles dans la lutte contre les islamistes. C’est pourquoi le Hamas a tout lieu de craindre une alliance entre Sisi, Trump et Israël contre lui.”
Il semble que les Palestiniens ne craignent pas seulement une nouvelle guerre israélienne contre Gaza sous la présidence de Trump. Ils craignent aussi que le silence international sur les horribles scènes de batailles et d’attaques contre des groupes armés, en Syrie et en Égypte (et au Yémen, NdT) n’incitent Israël à commettre les mêmes atrocités contre les Palestiniens, s’ils se sentent encouragés par Trump.
A ce propos, Yoni Ben-Menachem, un ancien officier du service de renseignement militaire israélien, a déclaré à News1 le 25 janvier que le Hamas craignait un rapprochement entre Trump et Sisi ainsi que leur alliance contre les Frères musulmans et le Hamas qui est une de ses branches.
Ghazi Hamad, sous-secrétaire au ministère des Affaires étrangères à Gaza, a déclaré à Al-Monitor: « Israël a mené trois guerres contre Gaza en 2008, 2012 et 2014, mais n’a pas engrangé de gains politiques. Cela pourrait l’inciter à éviter une quatrième guerre sous le règne de Trump. Cependant, Israël considère les tunnels creusés par le Hamas comme une menace de première importance et il fera de cette question une point central des discussions dans les temps qui viennent, pour obtenir encore plus de soutien de Trump. En fait, rien ne garantit qu’une quatrième guerre n’éclate pas, d’autant plus que les Palestiniens manquent toujours du soutien arabe, malgré la relative stabilité depuis la guerre de 2014 ».
Le Hamas semble d’autant plus inquiet de l’arrivée de Trump au pouvoir que la police israélienne enquête sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour corruption. Les Palestiniens pensent que Netanyahou va tenter d’échapper à ces accusations et d’éviter toute tentative de destitution en attaquant la bande de Gaza pour détourner l’attention des Israéliens de son gouvernement et des controverses, après avoir reçu carte blanche de la part de Trump pour agir à sa guise.
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
2 février 2017 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet