Par Ramzy Baroud
“Nous avons frappé une cellule et maintenant nous frappons les commanditaires. Je leur suggère à tous, y compris au Hezbollah, d’y réfléchir”, a déclaré Netanyahu lors d’une tournée dans une installation militaire dans le centre d’Israël.
L’avertissement de Nétanyahu n’était pas de bon augure pour Liban car quelques heures plus tard, une explosion semblable à celle d’Hiroshima a dévasté des secteurs entiers de Beyrouth. Ceux qui soupçonnent une implication d’Israël dans cette explosion mortelle ont ainsi une raison de plus de pointer du doigt Tel-Aviv.
Dans les domaines de la politique et de la guerre, la vérité est toujours la première victime. Nous ne saurons peut-être jamais exactement ce qui s’est passé dans les moments qui ont précédé l’explosion de Beyrouth. D’une certaine manière, cela peut ne guère compter parce que le récit des nombreuses tragédies du Liban est aussi fragmenté et varié que le paysage politique du pays.
À en juger par les déclarations et les positions adoptées par les différents partis et factions du pays, beaucoup semblent plus préoccupés par l’exploitation de la tragédie pour des gains politiques insignifiants que par la tragédie elle-même. Même si l’explosion est le résultat malheureux d’un accident résultant d’une négligence bureaucratique, ce n’est malheureusement pas ce qui importe le plus.
Au Liban, comme dans une grande partie du Moyen-Orient, tout est politique.
Ce qui est presque certain dans l’avenir, cependant, c’est que le discours politique finira par revenir à Israël contre le Hezbollah. Le premier cherche à saper l’influence du groupe au Liban, tandis que le second contrecarre les uns après les autres les plans d’Israël.
Mais dans tous les cas, quel est le plan d’Israël ? Après des décennies de tentatives de destruction du groupe de la résistance libanaise, le gouvernement israélien est parfaitement conscient que l’éradication militaire du Hezbollah n’est plus dans ses moyens, et certainement pas dans un avenir prévisible.
Le groupe libanais a prouvé ses prouesses sur le champ de bataille lorsqu’il a joué un rôle majeur dans la fin de l’occupation israélienne du Liban en mai 2000.
Les tentatives ultérieures d’Israël de rétablir sa domination sur la frontière sud du Liban se sont jusqu’à présent révélées vaines. La guerre ratée de 2006 et l’affrontement plus récent de septembre 2019 en sont deux autres exemples.
Le Hezbollah ne souhaite pas non plus devoir supporter une autre guerre israélienne au Liban. Le pays est au bord de l’effondrement économique, s’il ne s’est pas déjà effondré.
Alors que le Liban a toujours été en proie à la division politique et au factionnalisme, la division dans l’actuelle humeur politique dans le pays est plus destructrice qu’elle ne l’a jamais été. Perdant tout espoir dans le personnel politique, le peuple libanais est descendu dans la rue pour exiger des droits et des services de base, la fin d’une corruption endémique et un contrat social et politique radicalement nouveau, mais sans succès.
Tandis que les impasses politiques sont plutôt coutumières, les impasses politiques peuvent être catastrophiques dans un pays au bord de la famine. Le nuage d’explosion à la Hiroshima qui a choqué le monde entier était une parfaite métaphore des malheurs apparemment sans fin du Liban.
L’ancien député de la Knesset, Moshe Feiglin, était parmi les nombreux Israéliens qui jubilaient et se réjouissaient de la quasi-disparition de la capitale arabe. Feiglin a parlé de l’horrible explosion comme d’un “jour de joie”, donnant un “énorme merci à Dieu”. “Si c’était nous”, ce qui signifie qu’Israël était impliqué dans l’explosion meurtrière, “alors nous devrions en être fiers, et avec cela nous créerons un équilibre de la terreur”.
Que Feiglin parle en connaissance de cause ou non, sa référence à l’ “équilibre de la terreur” reste le principe de base dans toutes les relations d’Israël avec le Liban, et le Hezbollah en particulier.
La guerre interminable en Syrie a élargi le champ de la guerre d’usure d’Israël, mais lui a également donné l’occasion de cibler les intérêts du Hezbollah sans devoir lancer une nouvelle d’agression sur les territoires libanais.
Il est beaucoup plus facile de cibler la Syrie déchirée par la guerre et de s’en sortir indemne que de cibler le Liban et d’avoir à en payer le prix.
Depuis des années, Israël bombarde régulièrement de nombreuses cibles en Syrie. Au début, son rôle était peu avoué. Ce n’est que depuis un an environ qu’il commence à se vanter ouvertement de ses agressions militaires, mais pour une raison précise : Nétanyahu, noyé sous les difficultés, cherche désespérément à gagner du crédit politique alors qu’il est poursuivi par de multiples accusations de corruption qui ont terni son image.
En bombardant des cibles iraniennes et du Hezbollah en Syrie, le leader israélien espère obtenir le soutien des généraux israéliens, un groupe que l’on ne peut ignorer dans la politique israélienne.
Les commentaires de Netanyahu avant l’explosion de Beyrouth faisaient référence à une série d’incidents qui ont commencé le 21 juillet, lorsqu’Israël a bombardé une zone adjacente à l’aéroport international de Damas, tuant, entre autres, un membre haut placé du Hezbollah, Ali Kamel Mohsen.
Cet incident a mis en alerte les frontières nord d’Israël. L’état d’urgence a été couplé à un lourd battage médiatique et politique qui a rendu service à Netanyahu en détournant l’attention des Israéliens de son procès pour corruption.
Mais les intérêts stratégiques d’Israël dans le conflit syrien vont au-delà de la nécessité pour Netanyahu de remporter une victoire à peu de frais. L’issue de la guerre en Syrie pourrait déboucher sur un scénario cauchemardesque pour Israël.
Depuis des décennies, Israël a soutenu qu’un “axe de la terreur” – l’Iran, la Syrie et le Hezbollah – devait être démantelé, car il représentait la plus grande menace pour la sécurité [survie] d’Israël. C’était bien avant que les forces et milices pro-iraniennes ne commencent à opérer secrètement en Syrie, dans le cadre de la guerre qui se poursuit.
Cependant, en agissant ainsi, Israël risque d’allumer un conflit militaire très coûteux avec le Liban, un conflit que ni Tel-Aviv ni le Hezbollah ne peuvent se permettre pour l’instant.
Les décideurs politiques et militaires israéliens doivent être occupés à analyser la situation au Liban, afin de déterminer la meilleure façon d’exploiter sa tragédie pour faire avancer les intérêts stratégiques d’Israël.
L’avenir du Liban est, une fois de plus, entre les mains des fauteurs de guerre israéliens.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
10 août 2020 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
Il n’y a pas une guerre civile en Syrie, monsieur Baroud. C’est une guerre impérialiste, une guerre voulue et entretenue par les puissances impérialistes pour la domination économique, politique et militaire d’une région économiquement stratégique ( plus de 60% des réserves mondiales de pétrole). Quittez vos oeillères idéologiques et vos deux poids deux mesures et vous le verrez aussi clairement que vous voyez l’occupation de la Palestine par l’entité sioniste criminelle !
Bonjour,
Après vérification, dans l’article d’origine M. Baroud utilise le terme de “war” pour parler du conflit en Syrie, et non “civil war”. C’est donc une erreur de traduction, lourde d’interprétation… C’est à présent corrigé. Le webmestre.