Par Abdel Bari Atwan
Que Netanyahu survive politiquement ou non, les Arabes sont devenus les plus grands perdants dans les élections israéliennes, écrit Abdel Bari Atwan.
Il est peut-être encore trop tôt pour dire ce qui va suivre des dernières élections générales d’Israël et comment son système politique sera affecté. Mais pour tenter de prédire ce que l’avenir réserve, tant pour Israël que pour les Arabes, plusieurs points peuvent être tirés du déluge d’analyses et d’opinions sur le sujet.
Premièrement : l’incapacité de la «démocratie» et du système politique israéliens, pour la quatrième fois en deux ans, à produire un gouvernement stable capable de diriger le pays dans ce que les politiciens décrivent comme des temps menaçants sur le plan existentiel pour l’État sioniste.
Deuxièmement : la société et les élites politiques israéliennes sont de plus en plus divisées et fragmentées, tout en continuant dans leur ensemble à se évoluer de façon inexorable vers la droite. Le seul «terrain d’entente» qui subsiste pour les dirigeants politiques et leurs électorats est le racisme et la discrimination anti-arabes, et le rejet de l’égalité ou de la coexistence avec cette cinquième composante de la population.
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Troisièmement : les 1,5 million de citoyens arabes palestiniens d’Israël ont été les plus grands perdants de cette élection. Les intrigues de Netanyahu et la complicité de l’Autorité palestinienne ont réussi à diviser leurs rangs, tout comme les rivalités personnelles entre des personnalités de premier plan de la Liste arabe commune. Ses 15 sièges à la Knesset sont ainsi passés à huit, nombre de ses électeurs potentiels restant chez eux en signe de protestation et ne votant pas.
Quatrièmement : les juifs d’origine marocaine ont joué un rôle majeur dans l’obtention d’une proportion élevée de sièges à la Knesset pour les partis d’extrême droite et en augmentant les chances de Netanyahu de rester au pouvoir et d’échapper ainsi à la prison. La majorité soutient l’expansion des colonies, l’expulsion des Palestiniens, l’annexion de la Cisjordanie et la destruction de la bande de Gaza.
Cinquièmement : La branche sud du Mouvement islamique dirigé par l’ancien islamiste Mansour Abbas a joué un rôle majeur dans la division des rangs palestiniens et la division de la Liste arabe commune. Abbas a joué la carte de la collusion avec l’État israélien raciste qui ne reconnaît pas les Arabes comme de vrais citoyens, en particulier après l’adoption de la loi sur l’État-nation juif qui désigne la Palestine occupée comme un État réservé aux juifs. Ce serait une honte encore pire si cette faction jouait le rôle de “faiseur de roi” et utilisait ses quelques sièges pour soutenir le Likud et permettre ainsi un vote de confiance à la Knesset en faveur Netanyahu.
Sixièmement : les ainsi-nommés «accords d’Abraham» que Netanyahu a signés en grande pompe avec les Émirats arabes unis, le Maroc, le Bahreïn et le Soudan, et son entente avec l’Arabie saoudite et sa rencontre avec son prince héritier à Neom, n’ont joué qu’un rôle marginal dans les élections. On peut en dire autant de la question palestinienne et de l’effondrement du ainsi-nommé “processus de paix”.
Les observateurs sont d’accord sur le fait que la principale raison pour laquelle le Likud a réussi à gagner 52 sièges à la Knesset a été le “succès” de Netanyahu à obtenir suffisamment de vaccins contre le coronavirus pour traiter la majorité de la population israélienne. Les Arabes sont largement devenus un “non-problème” pour les électeurs juifs israéliens – qu’ils normalisent ou négocient ou non – avec un impact très limité sur la politique israélienne elle-même.
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Septièmement : L’ultra-droite israélienne a bénéficié de la mise en scène de la «menace» iranienne, de l’échec de la guerre contre la Syrie, de la chute de Donald Trump et du défi croissant posé par la Chine et la Russie à la domination mondiale des États-Unis. Tous ces facteurs ont renforcé l’attrait des électeurs juifs israéliens pour Netanyahu, vu comme “un homme fort”, et son parti pour faire face à ces périls.
Israël est faible, divisé et inquiet, sous la direction d’un Premier ministre sournois et plein de duplicité, qui de surcroît est un menteur professionnel et un vendeur d’illusions, accusé de corruption et de fraude.
Mais la partie arabe – autre que l’axe de la résistance – est encore plus faible et plus divisée, surtout après que les États arabes complices des États-Unis ont détruit les principaux bastions arabes comme la Syrie, l’Irak, le Yémen et la Libye.
Nous ne pouvons guère anticiper les développements à venir dans la politique intérieure israélienne, ni si Netanyahu – dont les ennemis se sont unis contre lui sans résultat jusqu’à présent – survivra et formera un gouvernement d’ultra-droite, ou échouera à nouveau et mènera Israël vers une cinquième élection en septembre.
Ce que nous savons par contre, c’est que ces élections ont révélé la nature de certains Arabes, leur faiblesse et leur désunion à la fois dans la région et à l’intérieur de la Palestine. Elles ont également exposé au grand jour l’opportunisme de certains mouvements pseudo-islamistes. Le Parti marocain de la justice et du développement, qui a signé l’accord de normalisation avec Israël, a désormais son homologue en Palestine occupée.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
25 mars 2021 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine