Par Ramzy Baroud
La ville palestinienne de Rafah n’est pas seulement bien plus ancienne qu’Israël, elle est aussi vieille que la civilisation elle-même.
Elle existe depuis des milliers d’années. Les Cananéens l’appelaient Rafia, et Rafia a presque toujours été là, gardant les frontières méridionales de la Palestine, ancienne et moderne.
En tant que point de passage entre deux continents et deux mondes, Rafah a été au premier plan de nombreuses guerres et invasions étrangères, des anciens Égyptiens aux Romains, en passant par Napoléon et son armée finalement vaincue.
Aujourd’hui, c’est au tour de Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien a fait de Rafah le joyau de sa couronne de la honte, la bataille qui déterminerait le sort de sa guerre génocidaire à Gaza – en fait, l’avenir même de son pays. « Ceux qui veulent nous empêcher d’opérer à Rafah nous disent en substance : ‘Perdez la guerre’ », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse le 17 février.
Actuellement, Rafah compte entre 1,3 et 1,5 million d’habitants, un secteur qui, avant le début de la guerre, ne comptait que 200 000 habitants.
Même avant le début de cette guerre génocidaire, Rafah était encore considérée comme surpeuplée. Nous ne pouvons qu’imaginer la situation actuelle, où des centaines de milliers de personnes sont dispersées dans des camps de réfugiés boueux, subsistant dans des tentes de fortune inadéquates pour résister aux éléments d’un hiver rigoureux.
Selon le maire de Rafah, seuls 10 % de la nourriture et de l’eau nécessaires parviennent à la population des camps, qui souffre d’une faim extrême, voire d’une famine pure et simple.
Ces familles sont traumatisées au plus haut point car elles ont perdu des êtres chers, des maisons et n’ont accès à aucun soin médical. Elles sont prises au piège entre de hauts murs, la mer et une armée assoifée de sang.
Une invasion israélienne de Rafah ne modifiera pas le cours de la bataille en faveur de l’armée israélienne, mais elle sera horrible pour les Palestiniens déplacés. Le massacre dépassera tout ce que nous avons vu jusqu’à présent à Gaza.
Où iront jusqu’à 1,5 million de personnes lorsque les chars israéliens arriveront ? La zone soi-disant sûre la plus proche est al-Mawasi, qui est déjà surpeuplée et trop petite. Les réfugiés déplacés dans cette zone souffrent également de la famine en raison de l’interdiction de l’aide par Israël et des bombardements constants des convois.
Ensuite, il y a le nord de Gaza, qui est en grande partie en ruines ; il n’y a pas de nourriture, à tel point que, dans certaines zones, même les aliments pour animaux – qui sont maintenant consommés par les humains – sont devenus introuvables.
De « prison à ciel ouvert » Gaza est devenu « camp d’extermination »
Si la prétendue « communauté internationale » n’affiche pas enfin une volonté d’arrêter Israël, ce crime horrible s’avérera, de loin, pire que tous les crimes qui ont déjà été commis, entraînant la mort et les blessures de plus de 100 000 personnes.
Même avec l’invasion de Rafah, Israël ne remporterait aucune victoire militaire ou stratégique. Netanyahu veut simplement satisfaire les appels au sang qui émanent de tout Israël. Et ils cherchent encore et toujours à se venger.
« Je suis personnellement fière des ruines de Gaza », a déclaré May Golan, ministre israélienne de « l’égalité sociale », lors d’une séance de la Knesset le 21 février.
Mais il n’y aura pas non plus de victoire à Rafah.
Au début de la guerre, Israël a déclaré que le Hamas se concentrait principalement dans le nord. Le nord a été dûment détruit, mais la Résistance a continué sans relâche.
Ils ont ensuite affirmé que le quartier général de la Résistance se trouvait sous l’hôpital Shifa, qui a été bombardé, perquisitionné et détruit. Ils ont ensuite affirmé que Bureij, Maghazi et le centre de Gaza étaient les principales cibles de la guerre. Ensuite, Khan Younis a été déclarée « capitale du Hamas ». Et ainsi de suite…
Outre la destruction massive et l’assassinat de centaines de civils chaque jour, Israël n’a rien gagné, la Résistance n’a pas été vaincue et la prétendue « capitale du Hamas » s’est commodément déplacée d’une ville à l’autre, voire d’un quartier à l’autre.
Aujourd’hui, les mêmes affirmations ridicules et les mêmes allégations non fondées sont formulées à l’encontre de Rafah, où la majeure partie de la population de Gaza s’est réfugiée, en désespoir de cause, pour survivre à l’assaut.
Israël avait initialement espéré que les habitants de Gaza se précipiteraient par centaines de milliers vers le désert du Sinaï. Ce ne fut pas le cas.
Les dirigeants israéliens, comme le ministre israélien fasciste des finances, Bezalel Smotrich, ont alors commencé à parler de « migration volontaire » comme de la « bonne solution humanitaire ». Les Palestiniens sont restés.
Aujourd’hui, ils se sont tous mis d’accord sur l’invasion de Rafah, un ultime effort pour orchestrer une nouvelle Nakba palestinienne. Mais une nouvelle Nakba n’aura pas lieu. Les Palestiniens ne le permettront pas.
En fin de compte, la folie politique de Netanyahu et d’Israël doit prendre fin.
Le monde ne peut pas persister dans cette lâche inaction. La vie de millions de Palestiniens dépend de notre effort collectif pour mettre fin immédiatement à ce génocide.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française) Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
28 février 2024 – Transmis par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah