Par BNC
Déclaration du Comité national palestinien BDS (BNC) et du Syndicat des journalistes palestiniens (PJS) sur les principes éthiques et professionnels du journalisme dans la couverture de la guerre d’Israël contre Gaza.
Dans le cadre de sa guerre en cours contre deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza occupée et sous blocus, le 15 mai 2021, l’armée de l’air israélienne a détruit un « immeuble de 11 étages dans la ville de Gaza abritant quelque 60 appartements résidentiels et un certain nombre de bureaux, y compris ceux d’Al Jazeera Media Network et de l’Associated Press [AP] », après avoir donné un avertissement d’une heure à ses habitants pour qu’ils l’évacuent.
Des responsables militaires israéliens ont affirmé que des responsables de la résistance palestinienne avaient installé leurs bureaux dans ce bâtiment, une affirmation mensongère réfutée par l’AP.
Indépendamment des affirmations israéliennes et du fait que les attaques d’Israël contre les journalistes sont routinières et systématiques, cette dernière attaque sur Gaza, comme beaucoup d’autres, équivaut à une punition collective, un crime de guerre au regard du droit international.
La couverture médiatique habituelle de l’assaut israélien sur Gaza à ce jour partage une partie de la responsabilité d’avoir permis à ce crime de se produire.
La couverture de l’ensemble de l’assaut israélien a été largement présentée comme une « représailles » aux actes commis par les groupes de la résistance palestinienne. Cela place la résistance comme la première manifestation de « violence », ignorant le principe éthique de base selon lequel dans une situation d’oppression, c’est précisément l’oppresseur qui est la cause première de la violence.
Ce cadrage, associé à la répétition omniprésente et sans aucun recul des affirmations et des allégations propagandistes israéliennes, a considérablement contribué à édulcorer, blanchir, voire justifier, les crimes israéliens et à renforcer son impunité et son absence de responsabilité au regard du droit international.
En définitive, les affirmations et la terminologie de la propagande israélienne ont occupé avec succès une position centrale dans la couverture médiatique, étant donné l’accès inégalé accordé par les médias aux porte-parole militaires et aux politiciens israéliens.
Pour retourner le couteau dans la plaie, de nombreux journalistes occidentaux, sans parler des responsables d’édition, ont trahi les principes de base de l’éthique journalistique en offrant une plate-forme ouverte, sans critique et sans contestation, aux criminels de guerre israéliens pour répéter sans relâche leur déshumanisation des Palestiniens, réduisant des populations civiles entières à un groupe de résistance, et incitation à davantage de violence raciale à notre égard.
C’est le contexte qui a permis aux forces d’occupation israéliennes d’avoir l’audace et l’impunité non seulement de raser le bâtiment abritant l’AP, Al-Jazeera et des dizaines de sociétés palestiniennes de diffusion, mais d’échapper aux conséquences qui normalement découleraient des crimes de guerre, équivalents ou pires, perpétrés contre les Palestiniens au cours de cette « opération », et tous télévisés en direct.
Alors que la liberté d’expression est un droit pour tous, y compris pour ceux qui ont des opinions offensantes, l’engagement envers la vérité, la contestation de la propagande et le refus de minimiser les dommages sont des principes de base du journalisme.
S’abstenir d’autoriser l’utilisation d’un média à des fins d’incitation à la violence ou à la promotion de la haine contre des groupes particuliers sur la base d’identités ethniques, raciales, religieuses ou autres fait partie des principes éthiques de base du journalisme.
Selon une éthique journalistique largement universelle, l’obligation professionnelle d’inclure tous les belligérants dans un débat ne s’étend pas à fournir une plate-forme pour répandre des mensonges, inciter à la violence raciale, y compris en déshumanisant les victimes de cette violence et en normalisant et justifiant ainsi la poursuite de violence à leur encontre.
Cela est particulièrement vrai en période d’hostilité violente, de conflit ou d’oppression lorsqu’une telle incitation à la haine peut coûter des vies humaines et des moyens de subsistance ou alimenter le nettoyage ethnique et d’autres crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, tels que définis dans le droit international.
Des journalistes et des rédacteurs éthiques bien informés peuvent reconnaître si certains discours sont délibérément destinés à déshumaniser un groupe particulier afin de normaliser ou de justifier son ciblage violent ou la suppression des droits de ceux qui en font partie.
Les condamnations et les appels rhétoriques à une « action urgente » sans autre précision ne suffisent pas.
Sur la base de ce qui précède, le Syndicat des journalistes palestiniens et le Comité national palestinien BDS, la plus grande coalition de la société palestinienne, appellent les médias internationaux, les journalistes et les syndicats de journalistes à :
1) Renouer avec les principes de base de l’éthique journalistique, résister aux pressions d’Israël et de ses lobbies, et remettre en question les lignes éditoriales biaisées et déshumanisantes ;
2) Mettre fin à toutes les collaborations institutionnelles avec les organisations médiatiques israéliennes qui font officiellement la promotion de la déshumanisation des Palestiniens et de la haine raciale et de la violence contre nous ;
3) Refuser les voyages tous frais payés en Israël, organisés par le gouvernement israélien ou ses lobbies ;
4) Adhérer et mettre à jour les guides éthiques pour s’engager à utiliser une terminologie ancrée dans le droit international humanitaire et des droits de l’homme et utilisée par l’ONU ou des organisations de défense des droits de l’homme faisant autorité pour décrire le contexte, par exemple en désignant le régime israélien d’apartheid comme le font HRW, B’Tselem et les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme).
5) Éviter la répétition non professionnelle et contraire à l’éthique, intentionnelle ou par inadvertance, de la terminologie de propagande propagée par le côté hégémonique/oppresseur ;
6) Respecter les droits des journalistes et des professionnels des médias à exprimer publiquement et ouvertement leur solidarité personnelle avec la cause palestinienne (en dehors du cadre de leur couverture professionnelle), sans être pour cela pénalisés.
7) Veiller à ce que les voix des personnes les plus touchées par la situation d’oppression ou d’agression soient privilégiées dans les reportages, au lieu de donner beaucoup plus d’espace/de temps aux oppresseurs qui ont les moyens d’intimider, d’effrayer et de menacer les journalistes et les médias afin de les obliger à suivre leur ligne.
17 mai 2021 – BDS National Committee – Traduction : Chronique de Palestine