Par Ramzy Baroud
La règle numéro un de la « loi des trous » est que si vous vous trouvez dans un trou, il faut arrêter de creuser. Mais la règle numéro deux est que si vous ne creusez pas, alors vous restez bloqués dans le trou. Ces dictons résument les crises politiques, militaires et stratégiques actuelles d’Israël, 100 jours après le début de son offensive militaire contre les Palestiniens de Gaza.
Le Premier ministre israélien Netanyahu a été confronté à un défi sans précédent : réagir à une attaque majeure lancée par des groupes de résistance palestiniens dans le sud d’Israël le 7 octobre. Cet événement unique est en train de changer la donne dans les relations entre les Israéliens et les Palestiniens. Son impact se fera sentir pendant de nombreuses années, voire des générations.
Netanyahu était déjà dans le pétrin bien avant l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », et il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Pour rester au pouvoir et éviter trois grandes affaires de corruption et des procès, il s’est efforcé de consolider sa position à la tête de la politique israélienne avec l’aide du gouvernement le plus radical et fascisant jamais constitué dans un État dont l’existence même est le résultat d’une idéologie extrémiste.
Les manifestations massives anti-Netanyahou dans tout Israël ont eu lieu pendant des mois avant le déclenchement de nouvelles hostilités en octobre, mais elles n’ont pas alerté le dirigeant israélien sur le fait que son trou s’aggravait et que les Palestiniens, vivant sous une occupation militaire et un siège perpétuels, pourraient éventuellement trouver dans les crises politiques et militaires d’Israël une occasion à saisir.
Il a simplement continué à creuser.
Ce qui s’est passé le 7 octobre ne doit pas être considéré comme une attaque surprise. L’ensemble de la Division Gaza des forces d’occupation israéliennes, le renforcement massif de l’armée israélienne dans l’enveloppe de Gaza, ont été mis en place dans le but précis de s’assurer que l’assujettissement et le siège de Gaza soient le plus au point possible à l’aide d’une technologie militaire de pointe.
Selon le classement de la puissance militaire Global Firepower 2024, Israël est le 17e pays au monde, principalement en raison de sa technologie militaire.
Cette capacité militaire avancée signifie qu’aucune attaque surprise n’aurait dû être possible, car ce ne sont pas des soldats, mais des machines sophistiquées qui scannent, interceptent et signalent tout mouvement perçu comme suspect. Dans le cas d’Israël, l’échec a été profond et à plusieurs niveaux.
Le mouvement Hamas (résistance islamique) a publié lundi 15 janvier, une vidéo montrant des combattants de la résistance attaquant des chars et des véhicules blindés israéliens près du quartier d’Al-Bureij, au sud de la ville de Gaza.
En conséquence, après le 7 octobre, Netanyahu s’est retrouvé dans un trou bien plus profond. Au lieu de trouver une issue, par exemple en assumant ses responsabilités, en rassemblant le public israélien ou, à Dieu ne plaise, en reconnaissant que la guerre n’est jamais une solution face à une population résistante et opprimée, il a continué à creuser.
Le dirigeant israélien, flanqué des ministres ouvertement fascistes Itamar Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et Amichai Eliyahu, a aggravé la situation en profitant de la guerre contre Gaza pour mettre en œuvre des plans longtemps en suspens visant à nettoyer ethniquement davantage de Palestiniens, non seulement de la bande de Gaza, mais aussi de la Cisjordanie.
Sans la fermeté du peuple palestinien et le refus catégorique de l’Égypte et de la Jordanie, la deuxième Nakba serait devenue une réalité.
Les principaux hommes politiques israéliens, malgré leurs différences idéologiques et politiques, se sont presque tous surpassés dans leurs propos racistes, violents, voire génocidaires, à l’égard des Palestiniens.
Alors que le ministre de la défense, Yoav Gallant, a immédiatement annoncé qu’ « il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé » à la population de Gaza, le ministre de l’agriculture et du développement rural, Avi Dichter, a appelé à une « autre Nakba ».
Quant au ministre du patrimoine, Eliyahu, il a même suggéré l’ « option » de « larguer une bombe nucléaire sur Gaza ». ***
Au lieu de sauver Israël de lui-même en rappelant au gouvernement de Tel-Aviv que la guerre génocidaire contre Gaza serait également de mauvais augure pour l’État colonisateur, l’administration américaine de M. Biden a joué le rôle de principal meneur et partenaire du carnage.
Outre une aide d’urgence supplémentaire de 14 milliards de dollars, Washington aurait envoyé, à la date du 25 décembre, 230 avions et 20 navires chargés d’armes et de munitions à l’Israël de l’apartheid.
En outre, selon un rapport du New York Times du 12 janvier, la CIA est également activement impliquée dans la collecte de renseignements à Gaza et fournit tous les détails aux services de sécurité et aux forces armées israéliennes.
Le soutien américain à Israël, sous toutes ses formes, a été maintenu, malgré les rapports bouleversants publiés par toutes les organisations caritatives internationales respectées qui opèrent en Palestine et au Moyen-Orient.
L’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), par exemple, a déclaré que 1,9 million de personnes sur les 2,3 millions que compte la population de Gaza ont été déplacées.
Le groupe israélien de défense des droits B’Tselem a déclaré que 2,2 millions de personnes souffraient de la faim.
Save the Children a indiqué que plus de 100 enfants palestiniens sont tués chaque jour.
Le service de communication avec la presse du gouvernement de Gaza a déclaré qu’environ 70 % de la bande de Gaza avait été détruite.
Même le Wall Street Journal a conclu que la destruction de Gaza était plus importante que celle de Dresde pendant la Seconde Guerre mondiale.
Rien de tout cela n’a eu l’air de gêner le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui s’est rendu cinq fois dans la région en moins de 100 jours. Son message est resté le même : un soutien inconditionnel à Israël.
Ce qui est étonnant, en revanche, c’est que le seuil de résilience de Gaza reste inégalé. C’est dire à quel point les Palestiniens sont déterminés à conquérir leur liberté. Nous avons vu des pères, des mères, des amis et des parents, dans des scènes sans cesse répétées, porter les corps d’enfants morts tout en hurlant de douleur, mais en insistant sur le fait qu’ils ne quitteront jamais leur patrie.
La dignité palestinienne a ému le monde entier.
Même si Washington a fait en sorte qu’aucune action significative ne soit entreprise au Conseil de sécurité des Nations unies, l’Afrique du Sud a pris les devants et a demandé l’aide de la plus haute juridiction du monde pour exiger la fin immédiate de la guerre et reconnaître les atrocités commises par Israël comme un acte de génocide.
Les initiatives de l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice ont galvanisé d’autres pays, principalement parmi les pays du Sud.
Néanmoins, Netanyahu a continué à creuser, impassible, ou peut-être inconscient du fait que le monde qui l’entoure commence enfin à comprendre réellement la souffrance des Palestiniens à travers les générations. Le dirigeant israélien continue de parler de « migration volontaire », de vouloir gérer Gaza et la Palestine, et de remodeler le Moyen-Orient en fonction de ses propres illusions de grandeur et de pouvoir.
Ces 100 derniers jours de guerre contre les Palestiniens de Gaza nous ont appris que la supériorité de la puissance de feu n’influence plus les résultats lorsqu’une nation prend la décision collective tout à fait légitime de résister à l’oppression et à l’occupation.
Tous ces jours nous ont également appris que les États-Unis ne sont plus en mesure de réorganiser le Moyen-Orient en fonction des priorités israéliennes et que des pays du Sud, bien que individuellement de moindre poids, peuvent modifier le cours de l’histoire lorsqu’ils sont unis.
Netanyahu peut continuer à creuser, mais l’histoire est déjà écrite : l’esprit du peuple palestinien a gagné contre la machine de mort et de destruction d’Israël. La légendaire résistance palestinienne sera sa chute.
16 janvier 2024 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah