Par Abdel Bari Atwan
La bande de Gaza ne représente que 2% du territoire historique de la Palestine. Mais les habitants de cette minuscule enclave montrent à 400 millions d’Arabes et à un demi-milliard de Musulmans ce que signifie faire preuve de courage pour la défense de leurs droits, de leur terre et de leurs lieux saints, face à l’arrogance américaine et israélienne.
Le barrage de missiles tirés de l’enclave bloquée n’est pas seulement une réaction au siège étouffant et meurtrier d’Israël. Il représente également une réponse double : d’une part, à “l’accord du siècle” visant à installer un Grand Israël, d’autre part, aux normalisateurs arabes qui considèrent Nétanyahou comme leur leader et protecteur.
Depuis le début du dernier assaut israélien il y a quelques jours, je suis en contact permanent avec des parents, des amis et des connaissances dans la bande de Gaza. Toutes les personnes à qui j’ai parlé m’ont dit la même chose : ne vous inquiétez pas pour nous. Nous n’avons pas peur. Nous allons manifester notre résistance jusqu’au bout. Ce sont les Israéliens qui cherchent désespérément un cessez-le-feu, pas nous.
Freih Abu-Middein, ancien ministre de la Justice palestinien, a déclaré : “La vie continue comme d’habitude. Des enfants sont dans la rue pour repérer les avions de guerre et les missiles qui partent d’ici, et les gens comptent les pertes israéliennes et les échecs de leur dôme de fer”. Il a ajouté: “Le problème du peuple de Gaza ne concerne pas Israël. C’est avec l’Autorité [palestinienne] à Ramallah, qui parle comme une ‘partie neutre’ et appelle à la protection internationale tout en rivalisant avec l’occupant pour affamer Gaza et la soumettre. Et c’est avec les [gouvernements] arabes qui interviennent dans la médiation pour mettre fin aux combats – non pas par souci des Palestiniens ou pour épargner leurs vies, mais par souci des Israéliens et par souci de la sécurité de leurs colons.”
La question de savoir de quel côté a commencé cette dernière guerre n’est pas importante. La principale nouveauté est que cette fois-ci, les groupes de résistance palestiniens ont bien fait savoir qu’ils ont décidé de réagir avec force aux crimes d’Israël : les assassinats en série de manifestants pacifiques par des tireurs d’élite; son non-respect des accords de désescalade; et le resserrement de son siège étouffant sur deux millions de personnes.
Les leaders de la résistance à Gaza – comme la majorité de ses habitants – ont fermement conclu que le seul langage qu’Israël comprend est celui de la force. C’était une leçon tirée de nombreuses expériences précédentes, indépendamment du courage et des sacrifices qu’elle implique.
Cette dernière guerre a déjà permis d’obtenir d’importantes succès qui seront renforcés si elle se poursuit :
– Elle a érodé le pouvoir dissuasif tant vanté d’Israël. Maintenant, c’est la résistance qui peut définir l’ordre du jour et les règles d’engagement.
– Des centaines de milliers d’Israéliens ont fui leurs colonies du sud, vers le nord, et leur nombre pourrait se multiplier si les missiles continuent d’atteindre Tel-Aviv ou au-delà.
– Israël s’apprête à organiser deux événements : le concours Eurovision de la chanson, qui réunit un auditoire mondial de deux milliards de personnes, et l’anniversaire de sa création en tant qu’État. Si la guerre continuait encore pendant deux semaines, elle subirait un désastre mondial, brisant son image internationale soigneusement cultivée et l’exposant alors aux yeux de tous comme une puissance d’occupation vicieuse et un État fascisant qui commet des crimes de guerre et attise l’instabilité régionale – en même temps qu’il est un lieu où il est dangereux de vivre.
– Elle a énormément embarrassé le Golfe et d’autres régimes arabes en train de normaliser leurs relations avec Israël. Ils pensaient que leurs citoyens accepteraient leur soumission aux États-Unis et à Israël, accepteraient la faiblesse arabe comme une réalité et abandonneraient la culture de la résistance. Mais ils se sont trompés. Les faiblesses d’Israël étant exposées – ainsi que celles des États-Unis dans son incapacité à imposer son diktat “zéro exportation de pétrole” à l’Iran -, ces gouvernements sur la voie de la normalisation sont également exposés pour ce qu’ils sont, comme le sont la stupidité, la myopie et la faillite politique et morale de leurs dirigeants.
On ne peut que se demander ce que doivent éprouver le président de l’Organisation de la Conférence islamique (OIC) et le gouvernement de son pays, l’Arabie saoudite. Deux jours à peine après avoir annoncé qu’une délégation juive israélienne avait été invitée à une conférence organisée à La Mecque, ils ont vu des avions de guerre israéliens semer la mort et la destruction parmi les civils palestiniens et 600 missiles pilonner la ville et les colonies israéliennes. par conséquent, le responsable de l’OIC et le gouvernement saoudien ont affirmé qu’ils ne normaliseraient jamais leurs relations avec Israël tant qu’un minimum de justice n’aurait pas été respecté à l’égard des Palestiniens.
Les Palestiniens ont cette fois riposté. Leurs missiles ont trompé le Dôme de fer, une technologie de pointe, et ont touché des cibles militaires israéliennes, dont un transporteur de troupes touché par une roquette Kornet, tandis que les Israéliens “civilisés” ciblaient les femmes enceintes.
Il est douloureux de voir l’Égypte jouer le rôle de médiateur dans cette guerre. L’Égypte a la responsabilité d’assurer la sécurité de l’enclave, car la bande de Gaza était sous administration égyptienne lorsque les Israéliens l’ont occupée. Ses précédentes tentatives de médiation se sont soldées par des humiliations. Israël n’a pas respecté les accords de désescalade précédents, a renforcé le siège, asphyxié économiquement Gaza et a commencé à tirer régulièrement sur des manifestants sans défense aux Marches du Retour. Elle ne devrait pas jouer ce rôle.
La résilience des habitants de Gaza et leur capacité à rester fermes et à résister sont admirables, et souvent vraiment étonnantes au regard des circonstances dans lesquelles ils sont obligés de vivre. Leur bravoure, leur persévérance et leur défi continu face aux occupants israéliens, à une époque où d’autres s’embrassent, est une cause légitime de fierté.
Que tous les martyrs reposent en paix – pour ne citer que quelques-uns, la jeune femme enceinte Falastin Abu-Arrar, son parent Siba âgé de 14 ans, le commandant des Brigades al-Qassam, Hamed al-Khudari, et les membres des familles Madhoun et Abu-Armaneh. La liste ne s’arrête pas là. Nous n’attendons ni n’attendrons l’attention ou la sympathie de ce monde aveuglé, mais plutôt encore plus de missiles dirigés sur Tel Aviv, ou un cessez-le-feu selon les termes de la résistance.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
6 mai 2019 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah