De Ramzy Baroud, aux éditions Demi-Lune –« Il s’agit d’abord d’un livre sur la Bande de Gaza. Mais c’est aussi l’histoire de ma famille, et en particulier celle de mon père : comment des agriculteurs palestiniens, vivant de leurs cultures sur leurs propres terres, ont été amenés à fuir pour sauver leur vie et furent contraints de s’installer dans un camp de réfugiés de Gaza. Tout au long de l’ouvrage, je précise le contexte de l’invasion sioniste, et insère mon histoire familiale au sein de l’histoire plus large de mon peuple et de la destruction de son ancien mode de vie. »
Jusqu’à aujourd’hui, existaient beaucoup de livres écrits par des Israéliens, dont certains compatissants et d’autres non, concernant les événements qui ont mené à la création de l’État d’Israël, et à son agrandissement ultérieur. Mais il y en a vraiment très peu qui racontent l’histoire de ceux d’entre nous qui ont tout perdu.
Je suis fier de vous raconter l’histoire de mon père : il symbolise le feu de la résistance dans tous les cœurs palestiniens ; la résistance de tous les êtres humains opprimés, en l’occurrence par les sionistes d’Israël et par les forces impérialistes qui les soutiennent.
L’écriture de ce livre personnel m’a passionné, mais il n’en est pas moins un reflet exact de ce qui a gardé la résistance palestinienne en vie depuis si longtemps contre toute attente.” Ramzy Baroud.
-Titre : Résistant en Palestine
-Sous-titre : Une histoire vraie de Gaza
-Auteur : Ramzy BAROUD
-Préface : Frank BARAT
-Traduit de l’anglais par Claude ZURBACH
-N° ISBN : 978-2-917112-23-6
-Ouvrage paru le 29 mars 2013 :
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Avant-propos de l’auteur à l’édition française :
Pour apprécier pleinement la situation à Gaza – que ce soit la souffrance, le siège, la lutte, ou la ténacité et la résistance – il faut la replacer dans son contexte, comme une chronique avant tout palestinienne, aux dimensions historiques qui dépassent les limites géographiques et politiques aujourd’hui imposées par les principaux médias et les penseurs officiels. L’incapacité si courante à vraiment comprendre Gaza, dans son contexte correct, dépend en grande partie des auteurs du récit, de la manière dont ils le relatent, de ce qu’ils incluent et de ce qu’ils omettent.
Ce livre résulte du désir de comprendre autrement ce qui s’est passé à Gaza ces dernières années, et la raison pour laquelle ces événements doivent être intégrés dans un champ historique plus large impliquant la Palestine – toute la Palestine – et tous les Palestiniens. Né et élevé dans un camp de réfugiés, j’ai ressenti le besoin de cette lecture alternative. J’ai imaginé, avec beaucoup d’hésitation, un ouvrage qui raconte l’épopée du peuple de Palestine. J’estimai avoir gagné le droit de présenter une version acceptable, en tant que fils de réfugiés ayant tout perdu, exilés et condamnés à vivre une vie misérable dans un camp à Gaza. Je suis le descendant de « paysans » – fellahs – dont l’odyssée faite de douleur, de lutte, mais également de résistance héroïque est toujours présentée de façon déformée, biaisée, quand elle n’est pas tout simplement ignorée.
C’est le décès de mon père (dans Gaza en état de siège) qui m’a finalement amené à franchir le pas. Résistant en Palestine ; une histoire vraie de Gaza [titre original : My Father was a Freedom Fighter, Gaza’s Untold Story] offre une version indépendante de toute narration israélienne – bienveillante ou non – qui n’est pas un compte-rendu produit par une élite comme c’est souvent le cas avec les écrivains palestiniens. L’idée première de ce livre est de placer des visages humains sur toutes les statistiques, cartes et figures. L’Histoire ne peut être divisée entre bons et méchants, héros et voyous, modérés et extrémistes. Même ignoble, sanglante ou méprisable, elle tend à suivre des modèles rationnels et des cours prévisibles. En comprenant le raisonnement qui sous-tend sa dialectique, il est possible d’aller plus loin qu’un simple témoignage de ce qui s’est passé. Il devient alors possible d’élaborer une représentation assez raisonnable de ce qui se trouve devant nous.
Un des pires aspects des médias d’aujourd’hui, aliénants et détachés comme ils le sont des réalités, est leur reproduction du passé et leur fausse caractérisation du présent, usant pour ce faire d’une terminologie simplifiée. Nous en tirons l’impression d’être informés, alors qu’en réalité ils ne nous aident guère à appréhender le monde dans son ensemble. Leurs approches simplistes sont dangereuses, car elles ont pour résultat une représentation erronée du monde, générant des actions inadéquates.
Pour toutes ces raisons, nous sommes obligés de trouver des interprétations et lectures alternatives de l’Histoire. Pour commencer, nous pourrions tenter d’offrir des perspectives qui voient le monde du point de vue de l’opprimé – les réfugiés et les fellahs à qui a été nié parmi beaucoup d’autres droits, celui de faire valoir leur propre narration. Ce point de vue n’est absolument pas affaire de sentiment. Un récit historique élitiste peut être dominant, mais ce ne sont pas toujours les privilégiés qui influencent le cours de l’Histoire, car celle-ci est aussi formée par les mouvements collectifs, les actions et les luttes populaires. En niant ce fait, on nie la capacité de la société à provoquer le changement. Dans le cas des Palestiniens, ceux-ci sont souvent présentés sous l’aspect de foules malchanceuses ou de victimes passives sans volonté propre. C’est évidemment une perception erronée : le conflit avec Israël dure depuis si longtemps parce qu’ils sont peu disposés à accepter l’injustice et qu’ils refusent de se soumettre à l’oppression. Les armes mortelles d’Israël auraient pu changer le paysage de Gaza et de la Palestine, mais c’est la volonté des Gazaouis et des Palestiniens dans leur ensemble qui a façonné leur paysage historique.
Lorsque l’édition anglaise de ce livre est parue, j’ai choisi tout d’abord d’aller le présenter en Afrique du Sud. Ce fut une expérience très forte. C’est dans ce pays que les combattants de la liberté, les résistants, ont autrefois lutté contre l’oppression et finalement vaincu l’Apartheid. Mon père, le réfugié de Gaza a soudainement été accepté sans condition par le peuple d’un pays situé à plusieurs milliers de kilomètres de là. La notion d’une « histoire du peuple » peut être puissante, car elle dépasse les frontières et s’étend au-delà des idéologies et des préjugés. Dans ce récit, les Palestiniens, les Sud-Africains, les Amérindiens et beaucoup d’autres se trouvent être les fils et filles d’un même héritage pesant, mais au sein d’une communauté faite de nombreux résistants qui ont osé défier et parfois même changer le cours de l’Histoire.
J’ai voulu raconter la Palestine et Gaza à travers mon père, pour de nombreuses raisons qui apparaîtront au lecteur au fur et à mesure de la progression de la lecture. Mais il est un fait dont je n’ai pas parlé. Quelques mois avant sa mort, sous ce siège étouffant de Gaza, je téléphonai à mon père avec une idée à lui soumettre. Je lui dis que son histoire méritait d’être relatée et répétée. Il rit : « Pourquoi devrait-on s’occuper de la biographie d’un homme aussi quelconque que moi ? » C’est peut-être cette réponse qui transforma ce qui était une idée, en mission, car ni mon père, ni ma mère, ni les millions de réfugiés ne sont « quelconques » ou ordinaires, au sens habituel du terme. Leur caractère exceptionnel tient à leur incroyable résilience en tant qu’individus et en tant que force collective.
En effet, si une histoire mérite d’être traitée en priorité – pour être racontée et rappelée, non pas pour des raisons sentimentales mais comme une expérience avant tout instructive – c’est bien celle de ces réfugiés apparemment « quelconques » et « ordinaires ». Aussi cliché que cela puisse paraître, c’est une histoire qui illustre le « pouvoir du peuple », le peuple palestinien, qui a déjoué toutes les tentatives pour saper et abroger les droits qui sont les siens.
Ramzy Baroud – Seattle, 23 décembre 2012
Parution : mars 2013