Il y a très peu d’innovations dans la façon dont Israël vise les Palestiniens de manière sélective et disproportionnée avec une justice différentielle. Début août, le tribunal de district de Haïfa a décidé de déchoir le Palestinien Alaa Zayoud de sa citoyenneté israélienne après que ce dernier a été reconnu coupable de quatre chefs d’accusation de tentative de meurtre. Cette décision était une première, même pour Israël.
La révocation de la citoyenneté de Zayoud repose sur la « loi sur la citoyenneté » instaurée par Israël en 2008, qui confère au tribunal le droit de recourir à la révocation de citoyenneté dans les cas de « [violation] de la loyauté envers l’État d’Israël », y compris par exemple d’actes terroristes. Il n’est pas surprenant de voir Israël appliquer la loi de manière sélective. Comme l’a noté l’organisation Adalah, « il n’y a jamais eu de demande de révocation de citoyenneté visant un citoyen juif, même lorsque des citoyens juifs étaient impliqués dans de graves crimes », notamment dans le cas de Yigal Amir, qui a assassiné l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin.
Les Palestiniens disposant de la citoyenneté israélienne représentent 20 % de la population israélienne. Ils sont ce qu’il reste de la population palestinienne à l’intérieur des frontières israéliennes actuelles après l’expulsion, le déplacement et le massacre que les Palestiniens appellent al-Nakba. Pour ce groupe de Palestiniens, la citoyenneté israélienne est loin d’être inclusive et a souvent été utilisée comme un outil permettant à l’État de promouvoir encore davantage la suprématie juive, agissant par crainte de la croissance démographique de la population palestinienne.
La loi sur la citoyenneté d’Israël est un moyen de reconfigurer – bien que lentement – la population israélienne. Elle pourrait être utilisée à l’avenir dans des campagnes systématiques visant à maintenir la minorité palestinienne à un faible nombre de représentants et à faire en sorte qu’elle ne représente aucune menace pour la majorité juive.
Israël s’est montré suffisamment « généreux » pour ajouter à la loi une clause octroyant la résidence permanente à tout citoyen qui devient apatride après avoir été déchu de sa citoyenneté. Mais les Palestiniens ne savent que trop bien à quel point il est facile pour Israël de révoquer un statut de résident permanent, comme en témoignent les près de 15 000 Hiérosolymites qui vu leur permis de séjour être annulé depuis 1967 et qui ne peuvent pas rester dans leur ville natale.
La décision du tribunal d’Haïfa au sujet de l’affaire Zayoud intervient également dans la foulée du meurtre de deux policiers israéliens commis par trois Palestiniens d’Umm al-Fahm dans le complexe de la mosquée al-Aqsa – la même ville que celle dont Zayoud est originaire. Umm al-Fahm fait également partie du « triangle » des villes et villages palestiniens qu’Israël a envisagé de transférer dans un futur État palestinien en échange de colonies juives illégales en Cisjordanie occupée.
Cette proposition a suscité la colère des Palestiniens d’Israël, non seulement en raison de son intention claire de les déchoir de leur citoyenneté, mais aussi parce qu’elle signale qu’en définitive, seuls les Juifs seront autorisés à rester à l’intérieur des frontières israéliennes, au contraire des Palestiniens.
Le juge Avraham Elyakim du tribunal de Haïfa, qui a statué sur l’affaire Zayoud, a déclaré que « pour chaque citoyen, à côté de ses droits, il y [avait] des engagements ». Mais pourquoi des engagements sont-ils exigés lorsque les droits ne sont pas pleinement étendus aux Palestiniens d’Israël ? Qu’a fait l’État israélien pour eux ? Il leur a demandé leur loyauté stricte en échange d’une citoyenneté de seconde zone, dont la garantie s’est désormais révélée arbitraire.
Le juge Elyakim a poursuivi : « Nous ne pouvons pas permettre à un citoyen israélien d’influer sur la vie et la dignité d’autres citoyens israéliens, et quiconque décide de le faire à travers des actes terroristes s’exclut de la société générale du pays. » Il aurait dû ajouter que cela ne s’applique que si la personne en question est un citoyen palestinien d’Israël – parce que c’est là l’objet réel de cette loi et de son application à l’affaire Zayoud.
Réagissant à la révocation de citoyenneté prononcée contre Zayoud, le ministre de l’Intérieur Aryé Dery, qui a initialement déposé la demande de déchéance de citoyenneté, a déclaré : « La décision du tribunal renforce l’effet dissuasif et notre campagne visant à protéger la sécurité du pays. » Et c’est exactement de cette manière que l’État israélien perçoit et traite ses citoyens palestiniens – comme une menace pour la sécurité, et non comme des individus qui détiennent des droits civiques complets.
Zayoud est en droit de faire appel de la révocation de citoyenneté prononcée à son encontre, mais il importe peu qu’il en ressorte gagnant ou non. Le précédent a déjà été établi et l’argument de « déloyauté » a été validé devant les tribunaux. Cette décision est l’un des exemples les plus marquants du sentiment anti-palestinien systémique et profondément ancré dans les lois et les politiques d’Israël.
Cette affaire nous donne un aperçu de ce qui nous attend encore en ce qui concerne les efforts tardifs mais persistants déployés par Israël pour terminer le nettoyage ethnique contre les Palestiniens. La révocation de citoyenneté sera une autre façon pour Israël d’exercer une punition collective contre les Palestiniens, de la normaliser et de la légaliser.
* Dr. Maha Hilal est chercheur au Institute for Policy Studies à Washington, DC.
14 août 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Valentin B.