Par Iqbal Jassat
Ce n’est pas seulement une erreur, c’est aussi une preuve de naïveté que de croire qu’une monarchie non élue n’aurait pas le courage d’imposer des sanctions à un collègue de l’élite oligarchique.
Car c’est arrivé. En plein jour et au vu et au su des médias du monde entier. L’acte “courageux” de s’opposer au Qatar et de tenter de l’isoler a été posé devant les caméras d’Al-Jazeera, la chaîne de télévision basée à Doha.
Le régime saoudien a rassemblé un quatuor composé de despotes, qui lui sont soumis, pour punir le Qatar et déclarer sans ambiguïté son allégeance à Israël, et non à la Palestine. Bien que cela n’ait pas été dit avec des mots, le message que les Saoudiens envoient, en assurant avec autant de force que la région ne tolérera pas la présence du Hamas, est celui d’une adhésion totale à la position d’Israël.
Certains signes annonçaient un réchauffement des relations israélo-saoudiennes, et l’impasse actuelle avec le Qatar prouve sans ambiguïté que la Maison des Saoud s’est complètement acoquinée avec le régime de droite israélien.
Le siège qu’ils veulent faire subir au Qatar fait écho au blocus immoral et injuste de Gaza. La « superpuissance » auto-déclarée du monde arabe, dont le titre d’infamie est de n’avoir jamais tiré une seule balle pour défendre la lutte de la liberté de la Palestine, fait preuve d’une fougue absurde et irrationnelle. Pourtant, elle vient de conclure un accord d’armement de plusieurs centaines de milliards de dollars avec son patron, les États-Unis d’Amérique.
Contrairement aux contrats d’armes précédents contre lesquels Israël et son lobby américain étaient régulièrement montés au créneau, cette fois il n’y a pas eu d’opposition. Le régime de Netanyahou n’a rien dit, confirmant l’impression du monde musulman que la convergence saoudo-israélienne est totale.
Alors que ces développements très inquiétants ont surpris tout le monde par l’ampleur épique des menaces de guerre qu’ils contiennent, il n’est pas exagéré de penser qu’ils ont été concoctés avec l’aide des services secrets américains et israéliens. Le quatuor est composé de la dictature militaire égyptienne, des monarques despotiques du Bahreïn et des Émirats arabes unis qui font tous partie des pires violeurs des droits humains de la région, soutenus par des acteurs aussi improbables que les Maldives et la Mauritanie.
Le fait de cibler le Qatar pour avoir osé défier l’Arabie saoudite est beaucoup plus qu’un crachat diplomatique. C’est une tentative sans précédent, et qui n’exclut pas un changement de régime, pour étendre l’hégémonie saoudienne sur toute la région du Golfe.
La tension géopolitique entre l’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran n’a rien à voir, malgré ce que l’Occident prétend habituellement, avec un prétendu conflit «sunnite / chiite». L’éléphant dans la pièce est Israël avec qui la Maison des Saud est disposée à s’associer contre l’Iran.
C’est pour ça qu’ils reprochent au Qatar d’avoir accueilli les leaders en exil du Hamas. Cela illustre également l’étendue de la convergence entre l’Arabie saoudite, son quartet de marionnettes, Israël et les États-Unis. Tous sont d’accord pour classer comme terroristes les mouvements de résistance du Hamas au Hizbollah et de l’Ikhwan au Jihad islamique.
Il n’est pas étonnant que Donald Trump se soit félicité que l’attaque contre le Qatar vienne couronner sa récente mission à Riyad. Il n’a pas beaucoup été question de ce que deviendrait la base militaire américaine au Qatar, mais on peut penser qu’elle sera relocalisée en Arabie saoudite si le siège du Qatar ne se termine pas rapidement.
Pendant que l’attention mondiale était concentrée sur le Qatar, l’Iran a été lâchement et par par deux fois attaqué à la bombe : la première cible a été le parlement et la seconde le mausolée de l’Iman Khomeini. L’Iran accuse le régime saoudien, qu’il considère comme un soutien de Daech.
Pendant la nuit, l’attaque infâme contre le Qatar s’est doublée d’attaques terroristes contre l’Iran. Quand on additionne tous les éléments, on trouve sans difficulté la source de l’instabilité actuelle: Israël !
Notes:
*« Elephant in the room » : Expression anglaise pour parler de quelque chose que tout le monde voit et fait semblant de ne pas voir.
** Mot hébreu : culot, toupet
8 juin 2017 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet