Par Ahmad Abu Amer
Les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, ont intensifié leurs tirs d’essai de missiles ces derniers mois dans le cadre du développement de leurs capacités militaires.
Cependant, le moment choisi pour ces essais équivaut à un message militaire et politique, en particulier en direction d’Israël.
Plus récemment, le 3 juillet, les brigades al-Qassam ont lancé 10 missiles de différentes tailles allant du nord et du sud de la bande de Gaza vers la mer, quelques heures avant la convocation du Cabinet israélien consacré à Gaza en présence de hauts commandants de l’armée et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour discuter de la trêve avec le Hamas actuellement bloquée.
Après la réunion, Netanyahu a éructé des menaces à l’égard du Hamas en déclarant : “Notre politique est claire. Nous voulons que la trêve revienne à ce qu’elle était, mais en même temps nous nous préparons à une opération militaire à grande échelle si elle n’aboutit à rien. Ce sont mes instructions à l’armée.”
Le 28 juin, le premier dirigeant du Hamas, Ismail Haniyeh, a téléphoné à l’envoyé spécial des Nations Unies pour le Moyen-Orient, Nikolay Mladenov, et l’a assuré que la réticence d’Israël à appliquer les accords de trêve aurait des effets négatifs.
Les deux parties ont fait quelques pas après la conclusion du nouvel accord pour une trêve le 28 juin. Le Hamas et d’autres factions ont réduit les tirs de ballons incendiaires en direction du sud d’Israël. Israël a réapprovisionné la bande de Gaza en carburant, élargi les espaces de pêche des Palestiniens et rendu 20 bateaux de pêche palestiniens qu’il avait volés il y a des années.
Cependant, les Palestiniens ont estimé les démarches d’Israël insuffisantes. Le 8 juillet, Israël a annoncé qu’il avait intercepté un drone palestinien se dirigeant vers le sud d’Israël.
Ces essais de roquettes, qui ont été les plus importants au cours des derniers mois en termes de nombre et de portée de tir, ont suscité l’inquiétude des Israéliens qui ont entendu de fortes explosions dans le secteur de Gaza. De fausses alertes se sont déclenchées à Sderot, près de la clôture nord-est de séparation d’avec la bande de Gaza, au cours d’essais de missiles.
Un responsable militaire des Comités de résistance populaire a déclaré à Al-Monitor, sous couvert de l’anonymat, que les essais de missiles menés par les factions palestiniennes s’inscrivaient dans le cadre du développement continu de leurs capacités militaires, auxquelles elles ont eu recours pour surmonter la difficulté d’introduire secrètement de tels missiles dans Gaza.
Selon lui, la résistance – le Hamas, le Jihad islamique et les Comités de résistance populaires – se concentraient dans ses récents essais de missiles sur la précision et la force de destruction, tout en tentant de traverser les systèmes anti-missiles israéliens, notamment le système de défense Iron Dome.
Il a expliqué que les factions palestiniennes avaient réussi au début du mois de mai – lors de la dernière escalade avec Israël – à bloquer le fonctionnement du système Iron Dome, qui n’a pu intercepter que quelques missiles. Les missiles palestiniens avaient pu atteindre leurs cibles avec précision, causant des dégâts dans les endroits ciblés.
Les missiles palestiniens qui ont frappé la ville de Beersheba le 17 octobre 2018 et la région de Sharon au nord de Tel Aviv le 25 mars, ainsi que ceux qui ont frappé la ville d’Ashkelon le 5 mai, attestent du développement et de la précision des missiles opérés par des factions palestiniennes, en particulier le Hamas et le Jihad islamique.
Le commandant des forces ballistiques du Hamas, aconnu sous le nom d’emprunt Abou Moaz, a déclaré sur le site officiel des Brigades al-Qassam que le nombre de tirs de missiles lors de la dernière série d’engagements contre Israël en mai était le plus élevé de l’histoire de la confrontation entre les deux parties, puisque près de 700 missiles palestiniens ont été tirés en l’espace de deux jours. Le Hamas, a-t-il dit, s’activait à surmonter le système de défense Iron Dome et a lancé un nouveau type de missile S40 de fabrication locale, transportant de grosses ogives.
Al-Monitor a contacté des responsables politiques et militaires du Hamas pour disposer de leurs commentaires sur les récents tirs d’essai de missiles, mais aucun d’entre eux n’a accepté de répondre, affirmant que les capacités et les expérimentations militaires sont des informations confidentielles qui ne peuvent être partagées avec les médias.
Le Hamas et d’autres organisations palestiniennes – le Jihad islamique, les Comités de résistance populaire et les Brigades Al-Aqsa – ont eu recours à la fabrication de missiles palestiniens pour surmonter la difficulté de l’introduction clandestine de missiles dans la bande de Gaza, suite aux efforts conjoints israélo-égyptiens pour empêcher les envois d’armes vers la bande de Gaza depuis l’Iran ou la Libye en passant par le Soudan.
Le Hamas a fabriqué son premier missile en 2001 et a continué à en produire jusqu’à disposer d’un arsenal estimé par Israël à 20 000 unités. Le 3 novembre 2009, Israël a détecté le premier test d’un missile tiré en direction de la mer, qui a atteint une portée de 60 kilomètres (37 milles). Ce même missile M-75 a été utilisé contre Tel-Aviv lors de la guerre israélienne contre la bande de Gaza en 2012.
Le responsable du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, a révélé le 30 mai que le Hamas développait ses capacités militaires grâce au soutien iranien dont il bénéficie. Le 17 mai, des sources militaires israéliennes ont annoncé que le Hamas disposait d’un arsenal de missiles de haute qualité à guidage de précision, fabriqués par des experts iraniens et constituant un défi pour le système de défense Iron Dome.
Amir Bohbot, correspondant militaire du site d’information israélien Walla, a tweeté le 3 juin que les tirs de missiles du Hamas envoyaient en même temps à Israël un message selon lequel “si aucun progrès n’est réalisé dans les négociations sur la trêve, nous nous dirigeons vers la confrontation”.
Israël et les factions palestiniennes dans la bande de Gaza dirigée par le Hamas ont été engagés dans dix séries d’affrontements militaires entre août 2018 et mai 2019, à cause du non-respect par Israël des accords de trêve. Les organisations palestiniennes ont principalement utilisé des missiles de différentes portées et de différentes tailles.
Wassef Erekat, un ancien commandant d’artillerie de l’OLP, a déclaré à Al-Monitor que les tirs d’essai de missiles par le Hamas transmettaient des messages militaires et politiques selon lesquels il était prêt pour toute guerre israélienne dans la bande de Gaza. Ces tirs visent à prouver que le blocus de Gaza n’empêchera pas le mouvement de développer ses capacités en missiles.
Israël envoie généralement des messages menaçants vers la bande de Gaza sous forme de manœuvres militaires, et Netanyahu a menacé le 3 juillet qu’Israël était prêt à engager une confrontation majeure à Gaza si la trêve avec le Hamas échouait. Le Hamas a donc voulu envoyer cette fois-ci son propre message.
L’expert militaire du Hamas, Rami Abu Zubaydah, a déclaré à Al-Monitor que cette organisation de la résistance cherchait à développer ses capacités en matière de missiles en prévision de tout affrontement militaire futur, afin d’influencer le cours de la bataille et d’obtenir des gains politiques et militaires.
Il dit également que le mouvement voulait envoyer un message à Israël pour lui signifierqu’il était prêt à utiliser ses missiles s’il continuait à retarder la mise en œuvre de la trêve. Abou Zubaydah a noté que le message était clair, les tirs d’essai de missiles ayant eu lieu quelques heures avant la convocation du Cabinet israélien consacré à Gaza.
Tout ceci survient au milieu des multiples avertissements qu’Israël et la bande de Gaza s’achemineraient vers une confrontation à grande échelle s’ils ne faisaient aucun progrès dans les négociations sur la trêve.
Auteur : Ahmad Abu Amer
* Ahmad Abu Amer est un écrivain et journaliste palestinien, travaillant pour plusieurs médias, à la fois locaux et internationaux. Il est titulaire d’une maîtrise de l’Université islamique de Gaza. Il a co-écrit un livre sur le blocus de Gaza pour l’Agence turque Anadolu.Son compte Twitter.
12 juillet 2019 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine