Par Farah Najjar, Maram Humaid
Inas Abu Khmash et sa fillette Bayan font partie des quatre Palestiniens tués lors des raids aériens israéliens sur Gaza.
Des centaines de personnes à Gaza ont assisté aux funérailles de Inas Abu Khmash, une femme enceinte âgée de 23 ans, et de sa fille de 18 mois, Bayan, toutes deux tuées pendant une nuit d’attaques aériennes et de tirs d’artillerie par Israël.
L’armée israélienne d’occupation a déclaré jeudi qu’elle avait frappé plus de 140 sites dans différentes parties de la bande de Gaza après que 150 roquettes aient été tirées en représailles depuis l’enclave côtière assiégée, blessant au moins six personnes en Israël [Palestine de 1948].
Les attaques ont eu lieu alors que les Nations Unies et l’Égypte voisine essayaient de conclure un accord entre Israël et le Hamas [résistance islamique], le groupe qui administre la bande de Gaza, pour une trêve durable. Plus tard ce jeudi, un responsable du Hamas aurait déclaré qu’un accord négocié par l’Égypte avait été conclu pour mettre fin à la flambée de violence.
Les attaques avaient repris plus tôt jeudi pour une deuxième journée consécutive dans un contexte de tensions croissantes.
Une scène “traumatisante”
L’une des zones touchées durant la nuit dans la ville de Gaza était Deir al-Balah, où Inas – enceinte de près de neuf mois d’une petite fille – son mari Mohammed et leur fillette Bayan vivent depuis avril 2017.
Mercredi, la famille avait décidé de dormir dans le salon sur un balcon donnant sur un petit jardin, ce qui permet à l’air frais d’entrer dans le petit appartement, surtout pendant les chaudes nuits d’été où l’électricité fait le plus souvent défaut.
Vers 2 heures du matin, deux puissantes explosions ont été entendues, ont indiqué des voisins à Al Jazeera.
“Dès que j’ai entendu, j’ai su que l’attaque visait la maison de Mohammed”, a déclaré Khalid Abu Sanjar, l’un des nombreux voisins qui se sont précipités sur les lieux.
Des témoins ont déclaré que ce qu’ils avaient vu immédiatement après l’attaque était “traumatisant”. L’obus avait traversé le salon, détruisant l’extrémité avant de l’appartement de la famille.
“Il y avait du sang partout”, a déclaré Abu Sanjar. “Nous avons été terriblement choqués”, a-t-il ajouté.
“Nous avons vu les restes d’Inas et de Bayan, et nous avons immédiatement appelé l’ambulance et commencé à collecter les parties des corps.”
Abu Sanjar a déclaré que Mohammed “criait encore” quand les secours sont arrivés.
Selon Ashraf al-Qidra, porte-parole du ministère de la Santé à Gaza, Mohammed a subi des blessures “graves” à la tête et à d’autres parties du corps.
“Mohammed a dit avoir frappé le plafond avec sa tête et être tombé par terre à cause de l’intensité de la frappe aérienne”, selon son frère, Kamal, qui s’était également précipité à la maison après avoir été informé par ses voisins.
Le jeune homme de 30 ans est soigné dans un hôpital local. Il ignore toujours le sort de sa famille…
À l’intérieur de l’appartement détruit, il ne reste que des débris, avec des meubles endommagés et des murs éclaboussés de sang. Les jouets et les peluches sont écrasés et recouverts de gravats. Le berceau de Bayan est toujours debout. À l’intérieur, il y a une minuscule paire de chaussures.
“Ma soeur était juste en train de dormir, pourquoi a-t-elle dû mourir comme ça ?”, a demandé à Al Jazeera Iman, la sœur d’Inas et de 19 ans son aînée.
Iman a déclaré que ce que sa sœur avait toujours voulu par-dessus tout était “travailler dur” pour assurer un avenir brillant à sa famille et à ses enfants.
Les deux sœurs avaient passé les dernières semaines ensemble à choisir de nouveaux vêtements de bébé dans la perspective de l’arrivée de la deuxième fille d’Inas, qui devait s’appeler Razan.
“Je ne peux pas le comprendre. Je voudrais que le soldat israélien qui a tiré sur ma sœur et ma nièce ressente la souffrance qui est à l’intérieur de moi”, a déclaré Iman.
“Je veux qu’il ressente la douleur et l’agonie avec lesquelles je dois maintenant vivre”, a-t-elle ajouté.
Au moins 12 Palestiniens, dont des enfants, ont été blessés dans les attaques de la même nuit, a indiqué le ministère de la Santé. Ali Youssef al Ghandour, âgé de 30 ans et membre de la branche armée du mouvement Hamas, a également été tué dans les attaques de mercredi.
L’un de ces blessés est Mohammed.
Ses frères et sœurs disent craindre pour sa vie et ne peuvent supporter l’idée de perdre un autre frère si rapidement.
Le frère de Mohammed, Kamel, âgé de 23 ans, faisait partie des au moins 70 autres Palestiniens qui ont été abattus par les forces israéliennes le 14 mai, lors de la Grande Marche du Retour de Gaza.
Au moins 157 personnes ont été tuées par des tirs israéliens depuis le 30 mars, date à laquelle ont commencé des manifestations populaires contre le blocus naval, aérien et terrestre de Gaza, et pour le droit des Palestiniens à retourner dans leurs foyers dont ils ont été expulsés en 1948.
“Nous tentons toujours de nous remettre de la mort de mon autre frère Kamel”, a déclaré la sœur de Mohammed, Faiza.
Cette femme de 40 ans a raconté que toute la famille avait partagé un repas en commun quelques heures avant l’attaque, dans la nuit de mercredi.
“Nous étions tous chez mon frère, tout allait bien quand nous sommes partis”, a déclaré Faiza à Al Jazeera.
“Peut-être que nous étions censés être là comme pour un dernier adieu”.
* Maram Humaid est journaliste et traductrice à Gaza. Elle couvre les histoires humaines, la vie sous le blocus, les évènements dans la jeunesse et les dernières nouvelles.Son compte Twitter :@maramgaza.Auteur : Maram Humaid
Auteur : Farah Najjar
10 août 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine