Pour nous, Palestiniens, le 15 mai marque le 75e anniversaire de la Nakba (la « catastrophe » de 1948), au cours de laquelle environ 70 % de la population palestinienne a été déplacée de force et plus de 500 communautés ont été complètement rayées de la carte, sans compter les massacres commis par les milices sionistes.
La Nakba de 1948 a marqué la destruction du mode de vie de la population autochtone palestinienne et l’établissement de l’état d’Israël.
La guerre de 1967 fut un autre tournant important, Israël occupant les 22% pour cent restants de la Palestine historique.
Pourtant, en réussissant à prendre le contrôle de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Israël a malgré lui unifié les Palestiniens qui ont rejoint une lutte commune pour la liberté, l’autodétermination et le droit au retour sur les terres que tant d’entre eux avaient été violemment forcés de fuir.
Certains dirigeants israéliens ont même mis en garde contre les conséquences du maintien de l’occupation militaire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
L’occupation israélienne illégale s’est progressivement transformée en un système d’apartheid.
Selon Ronnie Kasrils, l’un des leaders juifs de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud et membre du gouvernement de Nelson Mandela, l’apartheid israélien en Palestine est même pire que l’apartheid qui existait en Afrique du Sud.
Ce système inclut notamment des colonies illégales soutenues par des fanatiques religieux-nationalistes comme le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et le ministre des finances, Bezalel Smotrich – ce dernier s’est ouvertement qualifié d’ « homophobe fasciste ».
L’occupation a conduit à l’apartheid et l’apartheid a produit des fascistes.
En 1993, les dirigeants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont accepté la création d’un État sur seulement 22 % de la Palestine historique. Mais, comme l’expérience des accords d’Oslo nous l’a amèrement appris le compromis des Palestiniens n’a pas amélioré la situation de notre peuple.
Trente ans après la signature des accords d’Oslo entre l’OLP et Israël, la « solution à deux États » est morte en raison de la colonisation continue et de l’annexion de facto des terres palestiniennes par Israël.
Cela inclut des dizaines de colonies de peuplement illégales, la construction d’un mur de ségrégation (dont la majeure partie a été construite sur des terres palestiniennes) et un discours politique israélien qui insiste sur le fait qu’il n’y aura qu’un seul État – un « État juif » – entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée.
Il est clair que les accords d’Oslo ne sont plus viables et que l’Autorité palestinienne (AP), affaiblie et délégitimée par Israël, se retrouve isolée et gravement impopulaire au sein de la population palestinienne dans son ensemble.
En dépit de toutes ces difficultés, la jeune génération palestinienne est déterminée à poursuivre la lutte pour la liberté.
Un nombre croissant de Palestiniens pensent que la seule solution qui reste est un État démocratique unique sur l’ensemble de la Palestine historique, sans occupation, sans apartheid ni discrimination.
Depuis des décennies, des dirigeants et des militants palestiniens appellent à la création d’un État démocratique unique en Palestine, où juifs et Palestiniens pourraient vivre ensemble et jouir de droits égaux.
Ces dernières années, alors même que la consolidation de l’apartheid par Israël est devenue de plus en plus flagrante, l’Europe et les États-Unis ont continué à faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils acceptent une solution à deux États qui perpétue l’inégalité et la souffrance, sans aucune considération pour notre droit à l’autodétermination et sans aucun effort sérieux pour mettre un terme à la construction de colonies de peuplement.
Rien ne peut justifier le colonialisme de peuplement qui nuit aux peuples palestinien et juif. Confrontés à un projet visant à éliminer les Palestiniens en tant que nation, nous avons fait preuve de résistance et sommes restés déterminés à ne pas renoncer à notre patrie.
Nous restons attachés à la lutte pour la liberté et à la lutte pour la création d’une société juste et démocratique qui profite à tous sans discrimination.
Aujourd’hui, 75 ans après la Nakba, plus de 6 millions de réfugiés palestiniens ne peuvent pas retourner dans leur patrie. Néanmoins, le nombre de Palestiniens présents sur la terre de la Palestine historique est au moins égal au nombre d’Israéliens juifs.
Ce douloureux anniversaire et l’effroyable réalité actuelle doivent obliger les décideurs politiques et les dirigeants de la société civile occidentaux à réfléchir autrement en laissant de côté des paradigmes éculés.
Nous ne pouvons pas changer le passé, mais la seule solution pour un avenir post-apartheid est un État démocratique unique où tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Auteur : Mustafa Barghouti
* Le Dct Mustafa al-Barghouti est Secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne, président de la Société d’aide médicale palestinienne, et membre du Conseil Législatif Palestinien.
15 mai 2023 – The Guardian – Traduction: Chronique de Palestine – MJB