Par Ali Abunimah
L’objection la plus courante à la campagne palestinienne pour le boycott d’Israël est que cela couperait le “dialogue” et nuirait aux chances de paix. Une position indéfendable que nous l’avons entendue à nouveau à la suite de la très louable décision du professeur Stephen Hawking de se retirer de la conférence présidentielle israélienne en réponse aux sollicitations des universitaires palestiniens.
L’un des aspects les plus trompeurs du soi-disant processus de paix est la prétention que les Palestiniens et les Israéliens sont deux côtés égaux, également fautifs, également responsables – balayant ainsi d’un revers de main la réalité brutale que les Palestiniens sont un peuple colonisé, occupé, dépossédé et aux mains de l’une des armées les plus puissantes de la terre.
Pendant plus de deux décennies, sous le couvert de cette fiction, les Palestiniens se sont engagés dans des «pourparlers de paix» et d’autres formes de dialogue sponsorisés internationalement, pour simplement constater qu’Israël continue à occuper, voler et s’installer sur leurs terres… à tuer et mutiler des milliers de personnes en toute impunité.
Bien qu’il y ait une poignée de voix israéliennes dissidentes et courageuses, les principales institutions israéliennes, en particulier les universités, ont toujours été les complices de cette oppression en s’engageant par exemple dans des partenariats de recherche et de formation avec l’armée israélienne. Le gouvernement israélien a activement engagé des universitaires, des artistes et d’autres personnalités culturelles dans des campagnes internationales «Brand Israel» [la marque “Israël”] afin de mettre en valeur l’image du pays et détourner l’attention internationale de l’oppression des Palestiniens.
La grande majorité des Palestiniens, quant à eux, ont été privés de leurs droits par ce processus officiel de paix, leur sort étant confié à des envoyés véreux tels que Tony Blair, et aux gouvernements américains et européens qui ne semblent avoir le courage de défendre le droit et de protéger les droits de l’homme que dans les cas où les transgressions viennent des États africains ou arabes.
Quand il s’agit des abus d’Israël, les gouvernements du monde entier n’ont rien offert d’autre qu’une attention polie… Alors que des dizaines de pays sont confrontés à des sanctions américaines, européennes ou onusiennes pour des transgressions bien moindres, les gouvernements de l’UE ont mis des années à discuter de mesures aussi timides que l’étiquetage des marchandises provenant des colonies israéliennes illégales. Pourtant, le train du processus de paix poursuit sa route – maintenant avec un nouveau chef d’orchestre du nom de John Kerry, le secrétaire d’État américain – mais sans plus de chances d’atteindre jamais sa destination. Donc, assez de temps perdu avec cela…
Le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions dirigé par les Palestiniens (BDS) vise à bousculer cette dynamique. Il remet l’initiative entre les mains des Palestiniens. L’objectif est de faire pression sur Israël pour : qu’il respecte les droits de tous les Palestiniens en mettant fin à son occupation et au blocus de la Cisjordanie et de la bande de Gaza; qu’il respecte les droits des réfugiés palestiniens qui sont exclus du retour dans leurs foyers simplement parce qu’ils ne sont pas juifs; qu’il abolisse toutes les formes de discrimination contre les citoyens palestiniens d’Israël.
Ces demandes sont conformes aux principes universels des droits de l’homme et ne présenteraient aucun caractère particulier et ne seraient pas contestées dans un autre contexte, la raison pour laquelle leur soutien augmente.
La campagne BDS s’appuie sur une longue tradition de résistance populaire dans le monde entier : de la Palestine même au boycott des bus Montgomery en Alabama jusqu’à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Historiquement, les boycotts finissent par l’emporter.
Au cours des années 1980, les opposants aux sanctions contre l’apartheid en Afrique du Sud – y compris, notoirement, feu Margaret Thatcher – plaidaient pour un «engagement constructif». Ils étaient du mauvais côté de l’Histoire. Aujourd’hui, les Palestiniens sont sommés de renoncer au BDS et de revenir à des discussions vides de sens et de contenu qui sont l’équivalent actuel d’un prétendu “engagement constructif”.
Mais il ne peut y avoir de retour aux jours où les Palestiniens ont été réduits au silence et où seuls les forts avaient une voix. Il ne peut y avoir de retour à un «dialogue» sans fin et à une discussion sans contenu et sans perspectives sur la «paix», qui ne fait que fournir une couverture à Israël pour renforcer sa colonisation.
Quand nous regarderons en arrière dans quelques années, la décision de Hawking de respecter les appels de la campagne BDS pourra être considérée comme un tournant – le moment où le boycott d’Israël en tant que position pour la justice a réellement eu pignon sur rue.
Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que son action a forcé les Israéliens – et le reste du monde – à comprendre que le statu quo a un prix. Israël ne peut pas continuer à prétendre qu’il est un pays de culture, de technologie et d’inspiration alors que des millions de Palestiniens vivent, maintenus invisibles, sous la domination brutale des balles, des bulldozers et des colons armés.
* Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.
9 mai 2013 – The Guardian – Traduction : Chronique de Palestine