Des centaines de soldats israéliens, accompagnés de bulldozers, ont commencé à démolir des maisons dans le village palestinien de Sur Baher malgré les protestations palestiniennes et les critiques internationales.
Les habitants du quartier de Wadi al-Hummus du même village ont déclaré lundi aux médias que 16 immeubles résidentiels, représentant environ 100 appartements, étaient visés.
L’armée israélienne considère que les habitations, situées à proximité d’un mur de séparation israélien qui traverse la Cisjordanie occupée et que les Palestiniens appellent le “mur d’apartheid”, constituent un risque pour la “sécurité”.
La Cour suprême israélienne a statué en faveur de l’armée le mois dernier et a fixé ce lundi la date butoir pour abattre les maisons. Une action qui selon les Palestiniens va créer un précédent pour les autres villes et villages situées le long du d’apartheid, qui parcours des centaines de kilomètres à travers la Cisjordanie occupée.
Rob Matheson, de la chaîne Al Jazeera, rapportant depuis la zone de démolition, a déclaré que l’action israélienne marquait un “jour très sombre et triste” pour les habitants palestiniens.
“Nous avons entendu des détonations très fortes venant d’un bâtiment situé juste à côté de l’endroit où nous nous trouvons actuellement. Il s’agissait d’une grosse pelle mécanique utilisée pour rompre une partie du toit de ce bâtiment, où vivaient deux familles encore ce matin”, dit-il.
“Nous croyons comprendre que le père d’une des familles est assis sur une chaise dans la rue en dessous de nous, et qu’il voit sa maison tomber en pièces.”
Matheson a déclaré que de l’autre côté du mur d’apartheid, une grue retirait des morceaux du bâtiment avec une grosse pelle mécanique.
“Juste derrière moi se trouve un bâtiment inachevé où ceux qui réalisent les démolition creusent des trous dans le mur”, dit-il encore. “Nous comprenons qu’ils vont placer des explosifs à l’intérieur pour tenter de détruire le bâtiment.”
«Nous serons à la rue !»
Le large village de Sur Baher chevauche la ligne fixée entre Jérusalem-Est occupée et la Cisjordanie occupée. Il a été capturé et occupé par Israël lors de la guerre de 1967.
Les Palestiniens accusent Israël d’utiliser la sécurité comme prétexte pour les forcer à quitter la région dans le cadre des projets sur le long terme d’étendre les colonies de peuplement. Toutes les colonies sur les terres palestiniennes occupées sont illégales au regard du droit international.
Ils soulignent également que la plupart des bâtiments du quartier de Wadi al-Hummus sont censés être sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne [de Ramallah] et sous le contrôle civil des accords de Oslo de 1993.
“Ce qui se passe aujourd’hui, c’est un déplacement massif de gens vivant à Wadi al-Houmous, en dépit des recours légaux et interventions diplomatiques pour protéger leurs biens”, a déclaré Ali al-Obeidi, président du comité Wadi al-Houmous, à l’agence de presse locale Maan.
Les résidents disent qu’ils se retrouveront sans abri.
“Lorsque la maison sera démolie, nous serons à la rue”, a déclaré aux diplomates présents Ismail Abadiyeh, âgé de 42 ans, qui vit dans l’un des bâtiments menacés avec sa famille de quatre enfants.
Jamie McGoldrick, coordinateur humanitaire des Nations Unies, et d’autres responsables des Nations Unies ont appelé les autorités israéliennes d’occupation la semaine dernière à mettre un terme aux projets de démolition. Ils ont dit que 17 Palestiniens avaient déjà été déplacés de force par le projet de nivellement des bâtiments, tandis que plus de 350 autres “risquent une massive perte de propriété”, indique le communiqué.
Les responsables palestiniens ont déclaré que les structures menacées se trouvaient dans des zones qu’elles devraient contrôler. À l’origine, tous les bâtiments avaient reçu un permis et une autorisation de l’Autorité palestinienne, qui administre cette partie du quartier.
Mais la Cour suprême israélienne a déclaré que les structures violaient une interdiction de construction, ajoutant que les bâtiments proches de la barrière pourraient servir de couverture à des assaillants [résistants palestiniens].
Centaines de soldats
Les forces israéliennes d’occupation ont coupé la clôture de barbelés près du village tôt lundi matin, ce qui leur a permis d’accéder plus facilement aux bâtiments. Des projecteurs ont éclairé un bâtiment de plusieurs étages en partie construit, alors que des dizaines de véhicules avaient amené des policiers et des soldats en tenue de combat dans le secteur.
Dès les premières lueurs du jour, des engins mécaniques ont commencé à détruire une maison de deux étages. Les soldats ont ensuite occupés plusieurs niveaux d’un immeuble en partie construit sur plusieurs étages.
Ils ont été filmés et photographiés par des militants palestiniens, israéliens et internationaux qui s’étaient mobilisés pour tenter d’empêcher la démolition.
“Depuis 2 heures du matin, ils évacuent par la force des personnes de leurs maisons et ont commencé à installer des explosifs dans les maisons à détruire. Il y a des centaines de soldats ici”, a déclaré Hamada Hamada, un responsable communautaire dans l’une des zones menacées.
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a publié une déclaration dans laquelle elle reprochait à la Cour suprême israélienne de “créer un précédent permettant aux forces d’occupation israéliennes de démolir de nombreux bâtiments palestiniens situés à proximité immédiate” du mur d’apartheid.
L’Union européenne a publié un communiqué dans lequel elle déclarait: “La poursuite de cette politique compromet la viabilité de la solution des deux États et la perspective d’une paix durable”.
Israël a toujours voulu justifier ce mur de séparation – dont la longueur est estimée à 720 km une fois achevé – par les attentats-suicides perpétrés par des Palestiniens et qui ont culminé en 2002 et 2003.
Les Palestiniens parlent plutôt d’un vol de terres destiné à annexer des parties de la Cisjordanie, y compris des colonies israéliennes.
Dans certaines zones de Jérusalem et de la Cisjordanie, le mur est un haut mur de béton, mais à Sur Baher, il est constitué de deux barrières séparées par une route pour les patrouilles militaires et surveillées par des tours de guet et des capteurs électroniques.
22 juillet 2019 – Al-Jazeera – traduction : Chronique de Palestine