Trop de sang palestinien versé rend la propagande israélienne inopérante

Manifestation à Londres contre les crimes israéliens en Palestine occupée - Photo : Middle East Eye

Par Ramzy Baroud

Une succession d’événements survenus au cours des dernières semaines montre que les efforts déployés par Israël depuis près de 75 ans pour cacher la vérité sur ses origines et son régime raciste et d’apartheid échouent lamentablement.

Le monde se réveille enfin, et Israël perd du terrain beaucoup plus rapidement que sa capacité à gagner de nouveaux partisans ou à blanchir ses crimes passés ou présents.

Il y a d’abord eu Tantura, un paisible village palestinien dont les habitants ont été exterminés par la brigade Alexandroni d’Israël le 23 mai 1948.

Comme de nombreux autres massacres commis contre des Palestiniens désarmés au fil des années, le massacre de Tantura a surtout été rappelé par les survivants du village, par les Palestiniens ordinaires et par les historiens palestiniens.

La simple tentative, en 1998, d’un étudiant israélien diplômé, Theodore Katz, de faire la lumière sur cet événement sanglant a déclenché une guerre juridique, médiatique et académique, l’obligeant à retirer ses travaux.

Dans une récente publication sur les médias sociaux, le professeur israélien Ilan Pappé a révélé les raisons pour lesquelles, en 2007, il a dû démissionner de son poste à l’université de Haïfa. “L’un de mes ‘crimes’ a été d’insister sur le fait qu’il y a eu un massacre dans le village de Tantura en 1948, comme l’a révélé Teddy Katz, étudiant en maîtrise,” a écrit Pappé.

Aujourd’hui, certains vétérans de la Brigade Alexandroni ont finalement décidé d’avouer les crimes de Tantura.

“Ils ont fait le silence. Il ne faut pas le dire, cela pourrait provoquer tout un scandale. Je ne veux pas en parler, mais c’est arrivé. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? C’est arrivé.” Ce sont les mots d’un certain Moshe Diamant, ancien membre de la brigade Alexandroni, qui, avec d’autres vétérans, a révélé dans le documentaire “Tantura” d’Alon Schwarz les détails sanglants et les crimes horribles qui se sont déroulés dans le village palestinien.

Un officier “tuait un Arabe après l’autre” avec son pistolet, a raconté Micha Vitkon, un ancien soldat.

“Ils les ont mis dans un tonneau et ont tiré dans le tonneau. Je me souviens du sang dans le baril”, a expliqué un autre.

“J’étais un meurtrier. Je ne faisais pas de prisonniers”, a admis Amitzur Cohen.

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Des centaines de Palestiniens ont été tués de sang-froid à Tantura. Ils ont été enterrés dans des fosses communes, dont la plus grande se trouverait sous un parking de la plage de Dor, où se pressent quotidiennement des familles israéliennes.

Le massacre de Tantura et ses conséquences sont sans doute la représentation la plus flagrante de la criminalité israélienne : le meurtre de masse, la dissimulation et la danse sur les tombes des victimes.

Mais cela ne se limite pas à l’histoire de Tantura. Cette dernière est la représentation de quelque chose de bien plus grand, d’un nettoyage ethnique à grande échelle, d’expulsions forcées et de massacres. Heureusement, une grande partie de la vérité a été mise au jour.

En 1951, l’armée israélienne a lancé une opération militaire à grande échelle de nettoyage ethnique des Bédouins palestiniens du Naqab. Les scènes tragiques de communautés entières déracinées de leurs maisons ancestrales ont été justifiées par l’explication israélienne typique selon laquelle cette terrible action devait être menée pour des “raisons de sécurité”.

En 1953, Israël a adopté la loi sur l’acquisition des terres, qui a transformé ce qui était censé être une situation temporaire en une situation permanente. À cette date, Israël avait illégalement exproprié 247 000 dunums dans le Naqab, dont 66 000 restaient “inutilisés”.

Les terres restantes sont actuellement l’épicentre d’une lutte permanente entre les communautés bédouines palestiniennes et Israël, qui fait valoir que ces terres sont “essentielles” pour les “besoins de développement” d’Israël.

Mais selon des documents récemment révélés, mis au jour par des recherches approfondies menées par le professeur Gadi Algazi, la version israélienne sur le Naqab est une pure invention.

Selon de nombreux documents rendus publics, Moshe Dayan, alors chef du Commandement sud de l’armée israélienne, était au centre d’un stratagème du gouvernement et de l’armée israélienne pour expulser la population bédouine et “révoquer leurs droits en tant que propriétaires terriens”, conformément à la loi israélienne créée de toutes pièces, qui permettait au gouvernement de “louer” les terres comme si elles lui appartenaient.

“Il y a eu un transfert organisé de citoyens bédouins du nord-ouest du Néguev vers l’est, vers des zones arides, dans le seul but de s’emparer de leurs terres. Ils ont mené cette opération en utilisant un mélange de menaces, de violence, de corruption et de fraude”, a déclaré Algazi au journal israélien Haaretz.

L’ensemble du processus était organisé de manière à faire croire que les Palestiniens s’étaient déplacés “volontairement”, malgré leur résistance légendaire et “l’obstination avec laquelle ils ont tenté de s’accrocher à leurs terres, même au prix de la faim et de la soif, sans parler des menaces et de la violence de l’armée”.

Plus encore. Un ouvrage récemment publié par l’historien français Vincent Lemire a entièrement rejeté la version officielle d’Israël sur la façon dont les quartiers marocains de Jérusalem ont été démolis en juin 1967.

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Bien que les historiens palestiniens et arabes affirment depuis longtemps que la destruction du quartier – 135 maisons, deux mosquées et plus encore – a été effectuée sur ordre du gouvernement israélien par l’intermédiaire du maire juif de Jérusalem de l’époque, Teddy Kollek, Israël a longtemps démenti cette version.

Selon le récit officiel israélien, la démolition du quartier a été effectuée par “15 entrepreneurs juifs privés (qui) ont détruit le quartier pour faire de la place pour l’esplanade du Mur occidental”.

Dans une interview accordée à l’Agence France Presse (AFP), Lemire a déclaré que son livre présente “des preuves écrites et définitives de la préméditation, de la planification et de la coordination de cette opération”, notamment des réunions officielles entre Kollek, le commandant de l’armée israélienne, et d’autres hauts responsables gouvernementaux.

Les faits historiques ne s’arrêtent pas là et d’autres révélations déchirantes et une version bien intégrée de la vérité exposent des faits longtemps cachés ou niés.

Et l’époque où Israël s’en tirait à bon compte avec ces crimes semble être révolue. Le récent rapport d’Amnesty International, intitulé “L’apartheid israélien contre les Palestiniens : Un regard sur des décennies d’oppression et de domination”.

Dans ses 280 pages de preuves accablantes du racisme et de l’apartheid d’Israël, Amnesty n’a pas hésité à faire le lien entre le présent violent d’Israël et son passé tout aussi sanglant.

L’organisation n’a pas repris le langage trompeur d’Israël et sa division intéressée des Palestiniens en communautés déconnectées, chacune ayant une revendication différente et un statut différent. Pour Amnesty, comme ce fut le cas pour le rapport de Human Rights Watch en avril 2021, les injustices israéliennes contre les Palestiniens doivent être reconnues et dûment condamnées dans leur intégralité.

“Depuis sa création en 1948, Israël a mené une politique délibérée visant à établir et à maintenir une hégémonie démographique juive et à maximiser son contrôle sur les terres au profit des Israéliens juifs, tout en réduisant au minimum le nombre de Palestiniens et en restreignant leurs droits et en faisant obstacle à leur capacité de contester cette dépossession”, indique le rapport.

Et cela ne peut se faire que par des massacres, un nettoyage ethnique et un génocide, de Tantura au Naqab, aux quartiers marocains, à Gaza et à Sheikh Jarrah.

9 février 2022 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah