Une attaque aérienne israélienne sans précédent en Cisjordanie fait 20 morts, dont toute une famille

5 octobre 2024 - Des Palestiniens participent aux funérailles de 18 personnes, dont deux enfants et leurs parents de la famille Abu Zahra, qui ont été tués lors d'une frappe aérienne israélienne sur un café très fréquenté dans le camp de réfugiés de Nur Shams, à l'est de Tulkarm, en Cisjordanie. De nombreux Palestiniens ont également été blessés lors de cette attaque, qui a causé d'importants dégâts dans le camp. Les forces israéliennes ont utilisé un avion de chasse pour effectuer cette frappe aérienne, rarement utilisée en Cisjordanie. Il s'agit du plus grand nombre de morts dans une seule attaque en Cisjordanie depuis la seconde Intifada. Au total, 741 Palestiniens de Cisjordanie ont été tués par les forces israéliennes depuis le 7 octobre 2023 - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills

Par Qassam Muaddi

Une frappe aérienne israélienne sur un immeuble résidentiel de Tulkarem a tué 20 Palestiniens, la première attaque de ce type depuis deux décennies. « Nous vivons les raids de l’occupation depuis plus d’un an maintenant, mais cette fois-ci, c’était différent », déclare un témoin direct.

Israël a tué 20 Palestiniens lors d’une attaque aérienne sur le camp de réfugiés de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie, jeudi 3 octobre en fin de journée, a rapporté le ministère palestinien de la santé. Plusieurs enfants et une famille entière figurent parmi les morts, la frappe ayant visé un immeuble résidentiel de trois étages dans le centre du camp.

Cette attaque, menée par un avion de chasse israélien à l’aide d’un missile lourd, est la première de ce type depuis plus de 20 ans. L’armée et les services de renseignement israéliens ont déclaré dans un communiqué commun que la frappe visait Zahi Oufi, décrit comme un « commandant du Hamas » local, qui a été tué dans l’attaque.

Des habitants de Tulkarem ont déclaré à Mondoweiss que le lieu visé était un café local rempli de simples consommateurs, où se trouvait alors Zahi Oufi. Le café se trouvait au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel qui abritait plusieurs appartements civils dans le camp de réfugiés surpeuplé.

« J’étais dans le camp juste une demi-heure avant l’attaque, je jouais au billard avec quelques jeunes hommes du camp », a déclaré à Mondoweiss un résident du camp qui a préféré garder l’anonymat. Il se trouvait à une centaine de mètres de l’endroit qui a été frappé.

Le résident du camp a décrit les événements qui ont précédé la frappe et la façon dont elle s’est déroulée par la suite. « L’un des gars qui jouait avec moi était un adolescent nommé Arkan Bilal. Il est parti acheter quelque chose et n’est jamais revenu », a-t-il expliqué.

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« Je suis parti rendre visite à la famille de ma femme dans la ville [de Tulkarem], et en chemin, je suis passé devant le café [visé] et j’ai vu plusieurs hommes, dont des personnes âgées, assis à l’intérieur comme d’habitude, avec des enfants qui jouaient dans la rue juste devant le café. Puis j’ai vu Anwar Nuseimi, qui vit à Jéricho et rendait visite à ses parents à Tulkarem pour quelques jours, et il m’a salué ».

En quittant le camp, j’ai vu un avion de chasse volant très haut au-dessus de la ville », poursuit-il. « Environ dix minutes après avoir quitté le camp, une très forte explosion a été entendue dans toute la ville. Un ami m’a dit qu’il y avait eu une frappe dans le camp ».

« Je suis retourné au camp, et le café avait été complètement détruit, mais le bâtiment était toujours debout, bien que partiellement détruit – la bombe avait traversé deux étages avant d’exploser dans le café », a-t-il continué à expliquer. « Il y avait des centaines de personnes qui essayaient de retirer les corps et les survivants des décombres et qui cherchaient leurs proches ».

Faire le vide dans les camps

Le témoin oculaire a continué à décrire les faits, indiquant qu’il avait vu un corps suspendu à des câbles électriques et des corps humains défigurés et « déchiquetés en morceaux ».

« Ils étaient complètement méconnaissables », a-t-il expliqué. « L’un d’eux était Arkan, le garçon avec lequel je jouais au billard il y a moins d’une heure. Un autre était Anwar, qui allait acheter des cigarettes au magasin situé juste en face du café lorsque je l’ai vu. Un autre était Majdi Salem, un enfant qui jouait devant le café, et six étaient des membres de la famille Abu Zahra – un père, une mère, deux enfants âgés de 5 et 7 ans, et les deux grands-parents, tous tués dans leur maison au deuxième étage ».

« Nous vivons les raids de l’occupation depuis plus d’un an, mais cette fois-ci, c’était différent », a-t-il expliqué. « Nous nous sommes habitués à ce que des bulldozers pénètrent dans le camp et détruisent les rues et les bâtiments. Nous nous sommes même habitués au bruit des drones. Mais nous n’avons pas vu de bombardement par un avion de chasse depuis la seconde Intifada. »

« Les habitants de Tulkarem sont encore sous le choc », a-t-il fait savoir.

Tulkarem est la principale cible des raids des forces israéliennes depuis le 7 octobre. La ville, les villages environnants et les deux camps adjacents ont perdu 114 personnes sous les tirs israéliens depuis janvier, dans la tentative d’Israël d’étouffer la propagation de la résistance armée dans le nord de la Cisjordanie.

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Les camps de réfugiés de Nur Shams et de Tulkarem ont été la cible principale de la violence militaire israélienne, ce qui a entraîné le déplacement de plusieurs familles.

En août, l’armée israélienne a lancé l’opération « Camps d’été », une vaste campagne militaire contre la résistance armée dans le nord de la Cisjordanie, concentrée dans les villes de Tulkarem, Tubas et Jénine.

« Depuis le mois d’août, les forces israéliennes ont arrêté des centaines de personnes et les ont interrogées sur le terrain », a déclaré à Mondoweiss Mohammad Abu Eid, un habitant de la ville de Tulkarem. « Ceux qui ont été libérés ont reçu l’ordre de quitter le camp jusqu’à la fin du raid.

« De retour dans les camps, nombre de ces personnes ont découvert que leurs maisons avaient été endommagées. « Ils ont dû louer des appartements en ville avec l’aide de l’UNRWA, de l’Autorité palestinienne et d’autres ONG ».

Abu Eid est membre de l’association Jadayel, une organisation locale qui distribue de l’aide humanitaire aux résidents du camp. « Il semble que l’occupation tente de vider les camps, mais la plupart des gens ont choisi de rester et de réparer leurs maisons », explique-t-il.

« Nous et d’autres associations essayons de les aider en leur fournissant des colis alimentaires et des couvertures, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de plus d’aide ».

Après le massacre du camp de réfugiés de Tulkarem, l’Autorité palestinienne a appelé la communauté internationale et les organisations humanitaires à « intervenir d’urgence » pour empêcher les crimes de l’occupation.

Le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a également condamné le massacre, le qualifiant d’exemple clair du « recours systématique d’Israël à la force meurtrière en Cisjordanie qui est souvent inutile, disproportionné et donc illégal ».

Le massacre de jeudi porte à 742 le nombre de Palestiniens tués en Cisjordanie par les forces israéliennes ou des colons depuis le 7 octobre. Parmi eux, 163 enfants, 14 femmes et 11 personnes âgées.

Au moins 5 750 personnes ont été blessées et plus de 10 000 ont été arrêtées. Israël a également détruit 1 363 propriétés palestiniennes en Cisjordanie au cours de la même période, laissant 4 571 Palestiniens sans abris.

4 octobre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Assélineau

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