Par Tareq S. Hajjaj
La crise de l’énergie à Gaza s’est aggravée au cours de l’été et la demande d’électricité pendant une vague de chaleur sans précédent a entraîné un rationnement encore plus sévère.
Il fait nuit noire comme à l’habitude dans la bande de Gaza, les coupures de courant répétées plongeant les foyers palestiniens dans l’obscurité. Mais ce qui a changé au cours des dernières semaines, c’est la canicule étouffante de l’été, sans précédent.
Et sans électricité, les gens sont poussés à bout.
Dina Ahmad, âgée de 33 ans, tient son nouveau-né dans ses bras. Ils ont tous les deux l’air engourdi et en sueur. Elle prend la tête de son fils dans sa main, et de l’autre main tient un morceau de papier, qu’elle utilise comme ventilateur de fortune. Le bambin prend le sein – par intermittence en raison de la chaleur extrême – avant de pousser un gémissement et de retourner au sein de sa mère.
Les trois fils aînés de Dina comprennent un peu mieux la situation. Chacun d’entre eux brandit son propre ventilateur de fortune et tente désespérément de produire de l’air.
Ils s’assoient tous sur le sol, bien moins chaud que les canapés. Parfois, lors d’après-midi particulièrement torride à la maison, Dina asperge le sol d’eau et ils restent assis sur le carrelage pendant des heures avec des vêtements mouillés.
Même si les portes et les fenêtres sont grandes ouvertes, la chaleur à l’intérieur de l’appartement est insupportable, sans ventilateur, ni climatisation, ni eau froide dans le réfrigérateur.
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L’électricité est coupée pendant la journée pendant plus de 10 heures.
L’alimentation électrique obéit à des règles compliquées car l’unique centrale électrique de la bande de Gaza s’efforce de gérer par le rationnement l’électricité pour une population de plus de deux millions d’habitants.
Il est devenu normal que les habitants de Gaza passent la moitié de leur journée sans électricité. Au fil des années, le programme d’électricité a progressivement réduit le nombre d’heures pendant lesquelles les habitants reçoivent de l’électricité au cours de la journée, mais la norme est généralement de huit heures de fonctionnement, alterné avec huit heures d’interruption.
L’hiver dernier, la crise de l’électricité à Gaza a contraint les familles à utiliser d’autres sources de combustible (souvent dangereuses) pour chauffer leurs maisons pendant les mois froids de l’hiver.
Dans certains cas, des familles sont mortes à la suite d’accidents dus à une mauvaise utilisation de ces sources d’énergie.
L’été est différent. Comme la demande d’électricité augmente encore plus pendant ces mois, la compagnie d’électricité doit rationner encore plus l’électricité.
Alors que la famille de Dina se morfond dans sa maison, elle rêve de simplement pouvoir allumer un simple ventilateur. « Parfois, j’ai l’impression que la chaleur peut tuer », soupire Dina. « Je me surprends à imaginer que mes enfants vont finir par suffoquer. »
« Si vous ne pouvez pas allumer un ventilateur pendant la période la plus chaude de l’année, cela n’explique-t-il pas beaucoup de choses sur notre mode de vie ? »
Une campagne sur les médias sociaux est devenue virale au mois de juillet à Gaza, alors que les gens atteignaient un point de rupture en raison de l’ampleur de la crise de l’électricité.
Les messages sur les médias se sont répandus à la suite de l’annonce par la compagnie d’électricité d’une nouvelle politique exigeant que les clients remplacent leur ancien compteur manuel par un nouveau compteur « intelligent » fourni par la compagnie. Le nouveau compteur obligerait les gens à payer à l’avance leur consommation d’électricité.
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Pour de nombreux habitants de Gaza, en pleine crise économique, cette exigence est hors de portée. De nombreuses personnes ont déjà du mal à payer leurs factures à temps et ont rarement assez d’argent pour payer à l’avance.
Lors d’une conférence de presse tenue au bureau des médias du gouvernement à Gaza en juillet, le directeur général de la compagnie d’électricité, Maher Ayesh, a expliqué le principal problème sous-jacent à la crise de l’électricité. En bref, les besoins en énergie des immeubles résidentiels et d’autres installations ont tous augmenté avec l’accroissement de la population, mais les ressources disponibles ont stagné, et même diminué, à Gaza.
« Nous sommes confrontés à une incapacité croissante à fournir de l’électricité depuis l’année 2000, et cette incapacité ne fait qu’augmenter à mesure que nos ressources déjà limitées diminuent au fil du temps », a déclaré M. Ayesh.
Une seule centrale électrique alimente Gaza. Le besoin total d’électricité à Gaza est d’environ 600 mégawatts. La quantité disponible est de 250… Et Israël contrôle la quantité de carburant pour la centrale que Gaza reçoit.
Alors que les messages sur les médias sociaux demandaient à la compagnie d’électricité d’améliorer ses services, la compagnie affirme que les compteurs intelligents profiteront à tout le monde, car ils optimiseront l’utilisation de l’électricité et leur permettront d’augmenter leur propre consommation de 50 %.
« L’objectif de la compagnie est d’équiper les 300 000 clients de Gaza en compteurs intelligents d’ici la fin de l’année 2024 », a déclaré M. Ayesh. « Nous avons installé 50 000 compteurs jusqu’à présent. »
Mais pour des familles comme Dina Ahmad, cela ne changera rien. « Je briserai le compteur intelligent s’ils nous obligent à l’utiliser. À la place, nous vivrons dans des grottes », dit-elle. « La compagnie d’électricité devrait nous aider au lieu de trouver des moyens de nous accabler. »
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Les organisations palestiniennes de Gaza sont souvent intervenues en faveur des citoyens dans le besoin. Cette fois-ci, elles ont organisé une réunion avec la compagnie d’électricité de Gaza et ont publié un communiqué de presse à l’issue de la réunion.
Ces organisations ont déclaré que la crise de l’électricité nécessitait les efforts de toutes les parties pour y mettre fin. Elles ont également appelé l’Égypte, qui approvisionnait partiellement Gaza en électricité avant 2018, à la soutenir.
La déclaration des organisations fait savoir également que les besoins de la population doivent être placés au-dessus des considérations politiques et exhorte la compagnie d’électricité de Gaza à prendre en compte les conditions économiques des gens, en particulier les familles pauvres, en les exemptant de l’utilisation des nouveaux types de compteurs.
Enfin, la déclaration tient l’occupation israélienne pour directement responsable de la crise de l’électricité à Gaza.
Dans les semaines qui ont suivi les messages diffusés sur les réseaux et la réunion des organisations, la situation des habitants de Gaza n’a guère changé, et l’idée d’utiliser un ventilateur pendant la journée reste une chimère.
« Lorsque des choses aussi simples ont besoin d’un miracle pour se produire, nous voyons à quel point nous sommes différents du reste du monde », a dit Dina à Mondoweiss, en montrant ses fils, écrasés par la chaleur.
« Le siège israélien nous a coupés du monde, transformant nos besoins élémentaires, comme la nourriture et l’électricité, en souhaits », conclut-elle.
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
29 juillet 2023 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine