Par Philippe Alain
Le bilan médical est accablant pour les policiers: le jeune homme souffre d’une “plaie longitudinale du canal anal” de 10 cm et d’une “section du muscle sphinctérien”. Le médecin lui prescrit 60 jours d’ITT. La victime accuse les policiers de l’avoir violé avec une matraque télescopique lors de l’interpellation.
Les quatre policiers responsables de l’interpellation sont placés en garde-à-vue le lendemain et une enquête est ouverte pour “viol en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique.”
Pour leur défense, les policiers expliquent qu’un coup de matraque aurait été porté aux fesses, après que le pantalon du jeune homme soit tombé tout seul… Ce qui expliquerait, selon eux, la perforation de l’anus. On ne rigole pas, s’il vous plait, ce sont des fonctionnaires assermentés.
Dimanche 5 février, coup de théâtre, le parquet requalifie les faits, non plus en “viol en réunion” mais en “violences en réunion”.
On pourrait croire qu’il s’agit là d’une bavure, d’un cas isolé, qui ne concerne en aucun cas la police en général. Ah bon ?
“Je vais te violer et on va voir si tu filmeras la police”
Septembre 2016, un enseignant chercheur de 28 ans filme avec son téléphone portable l’interpellation mouvementée d’une femme par des policiers à la gare de Saint-Denis.
Deux policiers s’approchent de lui et le menacent: «On va te violer, ça te plaît, ça ? Je vais te violer et on va voir si après tu filmeras la police.» (1)
Selon l’enseignant, les policiers lui font ensuite des clés de bras et touchent à plusieurs reprises ses fesses. Quand ils trouvent sa carte de professeur, ils lui disent: «T’es prof ? Quand l’état islamique viendra à la Sorbonne, tu vas les regarder en te branlant ?»
Une plainte est déposée. Les policiers, eux, continuent tranquillement à faire régner la terreur, pardon la loi, dans notre belle démocratie.
Octobre 2015, Drancy, un homme de 28 ans vient d’être arrêté par la police municipale pour tapage nocturne. Alors que les policiers le forcent à monter dans un voiture pour le transférer à Bobigny, il ressent une violente douleur dans les fesses et hurle, puis se met à pleurer. Un policier lui dit: “plus jamais tu parleras comme ça de la police municipale, tu te rappelleras de nous” (2)
A 4 heures du matin, il est amené en consultation chez un médecin qui constate une perforation de l’anus et lui prescrit 10 jours d’ITT. Son ADN est même retrouvé à l’extrémité de la matraque télescopique du policier. Pour sa défense, le policier explique que sa matraque a… “dérapé”.
Ici encore, la “justice” veille. Le policier vient d’être jugé… pour violences volontaires, mais pas pour viol. Le procureur requiert 6 mois avec sursis. Le jugement sera rendu le 20 février.
La police ne viole pas. Elle violente. Nuance
C’est le second scandale de cette affaire. Non contents d’avoir violé un homme, ce qui est prouvé par l’examen médical réalisé immédiatement après les faits, les policiers mentent comme des arracheurs de dents afin d’aboutir à une requalification des faits. Et ils y arrivent.
Le viol est réprimé par l’article 222-23 du code pénal. Il est défini comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise.».
Le viol en réunion est une circonstance aggravante « Lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. ».
Bien évidemment, le viol par un ou des fonctionnaires de police constitue également une circonstance aggravante puisqu’il s’agit d’une “personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.”
Le viol en réunion est puni d’une peine pouvant atteindre 20 ans de réclusion criminelle. (article 222-24 du code pénal)
Les violences en réunions, elles, sont punies de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende, 7 ans de prison et 100 000 € d’amende lorsqu’elles sont commises avec plusieurs circonstances aggravantes et ici il y en a trois: violences commises par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions; par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice; avec usage ou menace d’une arme.
Dimanche, on a donc appris que le viol était requalifié en “violences volontaires en réunion.” Et hop, voilà comment échapper à la justice.
Le maire de d’Aulnay-sous-Bois lui même dénonce cette mascarade de justice: “la police est là pour protéger et non humilier nos concitoyens. Je ne comprends donc pas cette requalification. Elle est vécue comme un détournement de la vérité.”
Dimanche soir, nouveau rebondissement, un policier serait finalement mis en examen pour viol, les 3 autres pour violences en réunion. On voit pourtant parfaitement sur les images vidéo (3) que ce sont quatre policiers qui interviennent et il est scandaleux que les 3 autres ne soient pas poursuivis pour complicité de viol. Bien évidemment, le violeur présumé est laissé en liberté sous contrôle judiciaire…
Le viol par accident, c’est nouveau, ça vient de sortir
Le 9 février, l’IGPN, la police des police qui enquête sur l’affaire conclue à la non intentionnalité de l’acte en expliquant qu’il s’agit d’un malheureux concours de circonstances. En gros, la police vient d’inventer le viol involontaire, à l’insu de son plein gré. Vous violez quelqu’un mais vous dites que vous n’avez pas voulu le violer et voilà… relaxe assuré. Méthode homologuée par la police. C’est nouveau, ça vient de sortir, c’est le viol par accident.
Pas sur que ça marche pour ceux qui n’ont pas d’uniforme.
Pour rappel à tous ces policiers qui ignorent le code pénal ou ne savent pas lire, le viol est constitué par “TOUT” acte de pénétration sexuelle, commis par “violence, contrainte, menace ou surprise”. Article 222-23 du Code Pénal. C’est clair ?
En France, mieux vaut être policier et violer que pauvre et voler
En avril 2014, deux policiers de la BRI sont poursuivis pour avoir violé une touriste canadienne dans les locaux même de la Police Judiciaire au 36 quai des orfèvres à Paris.
La “justice” française a mis plus de 2 ans pour se prononcer. Que croyez-vous qu’il arriva ? En juillet 2016, le juge d’instruction prononce un non-lieu général. Il n’y aura même pas de procès…
Il y avait pourtant beaucoup de preuves: empreintes génétiques des policiers sur la victime, sms et même vidéos… Une opération de prélèvements d’ADN surréaliste avait eu lieu au sein du siège de la PJ… Tout ça pour ça…
En février 2016, un jeune homme de 18 ans, sans domicile fixe, s’introduit par effraction dans un maison à Figeac dans le Lot et vole du riz, des pâtes et une boîte de sardines. Il ne touche à rien d’autre et repart. Le 12 mai 2016, la “justice” française le condamne à … 2 mois de prison ferme. (4)
Un viol en réunion, non lieu, un vol de pâtes, 2 mois fermes. Elle est pas belle la justice française ?
La France, patrie auto-proclamée des droits de l’homme
Alors que la France socialiste donne des leçons de morale au monde entier et en particulier à Trump ou Poutine, chez nous, par l’intermédiaire de ses nobles et courageux représentants policiers ou gendarmes, la république frappe, mutile ou tue ses propres enfants. (5)
Zyed et Bouna, le lycéen de Bergson, le supporter de Bastia, Rémi Fraisse, Adama Traoré… La liste est longue de tous ces jeunes qui portent les stigmates indélébiles des violences policières quand ils n’en sont pas morts.
L’impunité dont jouit les forces de l’ordre en France est une véritable incitation à la violence qui permet à certains policiers de se conduire comme les pires des criminels. Mais à la différence des délinquants de droit commun, quand ils sont mis en cause, les policiers portent systématiquement plainte contre leurs victimes et ils ne sont que très rarement condamnés.
Tant que la police ne fera pas le ménage chez elle, et elle a beaucoup de travail, tant que les juges couvriront les bavures et que les politiques donneront un blanc-seing aux forces de police pour se comporter comme elles veulent, la fracture entre les citoyens et la police n’est pas prête de se résorber.
En Amérique, où la police blanche peut s’entraîner régulièrement au tir à balles réelles sur les citoyens noirs, on crie “no justice, no peace”.
Après une marche pacifique pour protester contre les violences policières, des affrontements se sont déroulés lundi soir à Aulnay entre les jeunes et la police. Depuis, les manifestations se multiplient un peu partout en France. On dirait bien que chez nous aussi, certains commencent à douter de l’indépendance des juges et pensent qu’aucune autre justice ne leur sera rendue que celle qu’ils se feront eux-mêmes.
Pas de justice, pas de paix.
Notes:
(1) blogs.mediapart.fr
(2) lemonde.fr
(3) bfmtv.com
(4) lci.fr
(5) philippealain.blogspot.fr
9 février 2017 – I am Spartacus – Communiqué par l’auteur