L’incident est qualifié “d’attentat terroriste au camion-bélier”, et le chauffeur du camion de terroriste. Plusieurs membres de sa famille ont été arrêtés, et bientôt nous entendrons dire que leur maison a été démolie par Israël.
Le mot “terrorisme” et tous ses dérivés produisent des sentiments de peur, et font surgir chez de nombreuses personnes de la communauté internationale une grande ferveur patriotique. Après tout, peuvent-ils s’interroger horrifiés, pourquoi voudrait-on tuer des soldats, ces supposés héros qui défendent leur pays contre tous ceux qui lui voudraient du mal ? Et dans l’esprit de ceux qui choisissent de garder la tête dans le sable, pourquoi s’en prendre au pauvre, petit Israël assiégé, ce modèle de démocratie au Moyen-Orient qui partage tant de valeurs avec les puissants États-Unis ?
Il est grand temps pour tout le monde de prendre une grande inspiration et d’essayer, ne serait-ce qu’une minute, de regarder en face ces petites choses irritantes qu’on appelle des faits. Oui, l’auteur sait bien que les petites phrases sont tellement plus émoustillantes, mais rien qu’un instant, mettons les de côté et examinons la réalité.
Premièrement, nulle part, à l’exception d’Israël et d’une majorité du Congrès états-unien en rapide diminution, personne ne conteste qu’Israël occupe la Palestine, et ceci tout à fait illégalement. Et ce fait a de nouveau été réitéré il y a quelques semaines seulement par l’ONU.
Deuxièmement, il n’est écrit nulle part qu’un peuple occupé doive simplement s’écraser et mourir pour permettre à l’occupation de continuer. Examinons un instant ce que dit le droit international. La résolution A/RES/33/24 de l’Assemblée générale de l’ONU du 29 novembre 1978 dit, notamment, ce qui suit :
“Réaffirme la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère et de l’occupation étrangère par tous les moyens en leur pouvoir, particulièrement la lutte armée.”
Veuillez je vous prie bien prendre note du membre de phrase “par tous les moyens en leur pouvoir”. Il n’est nulle part exclu de lancer un camion sur une troupe de soldats d’occupation.
Troisièmement, en septembre 2016, date à laquelle l’information la plus récente est disponible, 103 Palestiniens, dont la grande majorité était non armée, avaient été tués par des Israéliens depuis le début de 2016. Aucun Israélien n’a été tué par les Palestiniens au cours de la même période.
Quatrièmement, alors que la plupart des lecteurs n’étaient jusqu’à cet instant précis guère au courant de la mort de ces 103 Palestiniens, la plupart ont probablement entendu parler des quatre soldats qui sont morts, car les morts israéliens méritent de faire l’actualité, mais pas les morts palestiniens, semble-t-il.
Cinquièmement, il faut rappeler que la Palestine n’a pas d’armée de terre, pas de marine, et pas d’armée de l’air. Israël dispose d’un système militaire extrêmement puissant, y compris des armes nucléaires et chimiques, et est totalement soutenu par les États-Unis. Aucune des armes que possèdent les États-Unis ne sont interdites à Israël.
Donc, quelle leçon tirer de ceci ? Dit simplement, la violence commise par les Palestiniens contre les Israéliens n’est pas du terrorisme. C’est de la résistance légitime à une occupation illégale.
Remontons un peu dans le temps, reportons-nous d’abord aux premières années de ce millénaire. Les États-Unis ont occupé l’Irak pendant un certain temps, et la violence perpétrée par les “insurgés” était omniprésente dans les infos. Ces “insurgés” étaient des Irakiens, combattant contre une occupation étrangère. En remontant un peu plus loin dans l’histoire, nous pouvons voir un parallèle. Pourrait-on dire que, pendant la deuxième guerre mondiale, les Français qui résistaient à l’occupation allemande, étaient simplement des “insurgés”, se battant contre une nation qui avait si généreusement conquis leur pays ? Ou étaient-ils, comme les Irakiens combattant l’occupation états-unienne, ou les Palestiniens combattant l’occupation israélienne, en réalité des combattants de la liberté, des patriotes français résistant à la destruction de leur pays par une puissance étrangère ?
Revenons maintenant à l’actualité. Les Israéliens détruisent régulièrement des habitations palestiniennes pour faire place à des implantations illégales, ou pour construire des habitations destinées aux seuls Israéliens. Ils violent les frontières de la Palestine depuis presque 50 ans, empiétant de plus en plus sur les terres palestiniennes et les revendiquant pour Israël, en violation de nombreuses résolutions de l’ONU. Il faudrait plusieurs tomes pour rendre compte de la violation des droits humains des Palestiniens par Israël.
Au début du mois, un soldat israélien, le Sgt. Elor Azaria, a été reconnu coupable d’homicide involontaire pour avoir tué Yusi al-Sharif, un palestinien non armé. Ce meurtre a été filmé. M. Sharif avait été blessé par balle et gisait sur le sol. Il y est resté, perdant son sang, sans recevoir aucune attention pendant plusieurs minutes. M. Azaria s’est approché de lui, et lui a tiré une balle dans la tête, le tuant. Laissons pour une autre fois la question de savoir pourquoi c’était un “homicide involontaire” et non un meurtre au premier degré, mais au moins il a été reconnu coupable de quelque chose. Et pourtant, des appels à la clémence s’élèvent partout en Israël, venant même de la part du Premier Meurtrier israélien, Benjamin Netanyahou. Ceci ne nous révèle-t-il rien des conditions dans lesquelles vivent les palestiniens ? Lorsque la puissance occupante veut excuser le meurtre flagrant d’un Palestinien non armé, n’est-ce pas la preuve de la dureté et de la brutalité de l’occupation ?
Il reste à voir comment Israël réagira à cet incident, mais si les actions passées peuvent nous permettre de prédire l’avenir avec une certaine exactitude, on peut s’attendre à une augmentation de la violence envers les Palestiniens globalement sans défense.
Compte tenu de tout cela, l’incident qualifié d’attentat au camion-bélier ne peut être considéré comme action “terroriste”. Ce n’était qu’un acte de résistance légitime par un peuple sous occupation, luttant pour obtenir l’auto-détermination qui est consacrée dans les résolutions de l’ONU, et diverses autres lois internationalement acceptées.
La semaine prochaine, les États-Unis vont investir leur nouveau président, l’imprévisible, l’irrationnel Donald Trump. Ses conseillers ont déclaré que la paix au Moyen-Orient serait dictée d’après les conditions d’Israël ; ses plus proches conseillers sont tous des sionistes, et son vice président appartient à une soi-disant confession chrétienne qui croit qu’il faudrait se servir de la bible pour fixer certaines frontières nationales.
Les États-Unis n’ont jamais été un intermédiaire honnête ou juste dans la situation israélo-palestinienne, et plus personne ne prétend le contraire. La communauté internationale doit maintenant intervenir ; ce ne sera pas possible au Conseil de sécurité, où toutes les résolutions en faveur de la liberté et la justice pour les Palestiniens seront bloquées par veto, mais il y a beaucoup d’autres voies diplomatiques pour faire pression sur Israël. Il y a longtemps qu’elles auraient dû être explorées, mais maintenant que la mascarade de la médiation états-unienne a été dévoilée, c’est peut-être le moment ou jamais pour cela.
* Robert Fantina est écrivain et journaliste, militant pour la paix et la justice sociale. is a writer and journalist, activist for peace and social justice. Il vit au Canada et a écrit : Empire, Racism and Genocide : A History of U.S. Son site web
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13 janvier 2017 – CounterPunch – Traduction : Chronique de Palestine – MJB