Dans le charnier de l’hôpital Nasser, des mères cherchent des traces de leurs fils

Le responsable des droits de l'homme des Nations unies demande une enquête indépendante et transparente après que les autorités palestiniennes ont découvert des centaines de corps dans l'hôpital al-Nasser, à Khan Younis - Photo : capture vidéo

Par Lubna Masarwa

Le journaliste-photographe Moatasim Mortaja décrit la scène à l’hôpital Nasser, où des centaines de corps ont été découverts depuis le retrait des troupes israéliennes.

Moatasim Mortaja est un vidéo-journaliste palestinien qui vit à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Ces derniers jours, il a voulu rapporter sur les charniers découverts à l’hôpital Nasser, où plus de 300 corps ont été découverts depuis le retrait des forces israéliennes.

Lundi, sa vidéo d’une femme en gris tenant le corps de son fils récemment découvert s’est répandue sur les réseaux sociaux. Il décrit ici la scène.

Des centaines de mères sont venues ici, à l’hôpital Nasser de Khan Younis. Elles cherchent leurs enfants, passent d’un corps à l’autre, inspectant chacun d’entre eux dans les moindres détails.

Elles passent leurs yeux et leurs mains sur les cadavres, pour voir s’ils portent une chemise, un pantalon, peut-être des chaussures qui permettront d’identifier leur enfant parmi les 300 personnes retrouvées dans ces charniers.

Il suffit aux mères d’un détail simple et essentiel pour reconnaître leurs fils. C’est ainsi que la femme en gris a trouvé le sien. Le reste de ses traits s’était dissous et avait disparu.

Israël a assiégé Khan Younis pendant trois mois. L’hôpital Nasser, le deuxième plus grand de Gaza et la « colonne vertébrale » des services médicaux dans le sud, était devenu un refuge pour 10 000 Palestiniens, à l’abri des attaques.

Mais les forces israéliennes ont effectué des descentes répétées dans l’hôpital en janvier et février, le fermant complètement, arrêtant le personnel et faisant fuir des milliers de Palestiniens, les laissant sans abri.

Aujourd’hui, après le retrait des troupes au début du mois, nous avons découvert que les Israéliens avaient enterré des centaines de personnes dans le périmètre de l’hôpital.

Le premier jour où les tombes ont été découvertes, 70 corps ont été mis au jour. Le lendemain, il y en avait 70 de plus. Les cadavres de Palestiniens ont été enterrés sous terre, laissés sous des arbres et abandonnés dans les services de l’hôpital.

Mardi, les secouristes en ont trouvé quelques dizaines de plus, portant le total à 310.

L’air est lourd de l’odeur de la mort. On ne peut l’éviter, dans tous les coins, et elle s’aggrave à chaque fois qu’un corps est sorti de terre.

Chaque fois qu’ils creusent, ils trouvent de nouveaux cadavres, parfois à des endroits inattendus. Parfois, ils ne trouvent que des parties d’une personne, ou un corps décomposé au point d’être méconnaissable.

Selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza, certains corps ont été retrouvés décapités ou dépouillés de leur peau et de leurs organes. Des enfants, des femmes âgées et des jeunes hommes figureraient parmi les morts.

Les secouristes disent avoir trouvé des corps avec les mains attachées dans le dos, ce qui, selon le bureau des droits de l’homme des Nations unies, « indique de graves violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire ».

Il y a tant de larmes à l’hôpital Nasser aujourd’hui et tant de douleur… Il m’est difficile de trouver les mots pour décrire cette scène.

Le sentiment de voir quelqu’un retrouver un parent est indescriptible, tout comme la façon dont les mères recouvrent leurs fils morts d’un linceul et les accompagnent au cimetière.

Chaque image que nous capturons en tant que journalistes, nous le faisons en silence. Nous ne pouvons pas parler, nous pleurons du sang en filmant. Nos mains tremblent tellement que nos caméras perdent la mise au point. Mais nous recommençons et essayons encore.

23 avril 2024 – Middle East Eye – Traduction : Chronique de Palestine

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