Israël emprisonne les journalistes, sans accusation ni jugement

Muhammad al-Qiq
Muhammad al-Qiq

Par Charlotte Silver

Muhammad al-Qiq, le Palestinien gréviste de la faim, ne peut plus marcher après avoir refusé de s’alimenter depuis trois semaines pour protester contre sa détention par Israël sans inculpation ni procès.

La santé du journaliste âgé de 35 ans s’est fortement détériorée la semaine dernière, et il a été transféré dans une clinique de la prison le 22 février. Al-Qiq montre des symptômes qui seraient liés à une perte de vision, selon son avocat.

Les autorités pénitentiaires israéliennes ont commencé à faire pression sur al-Qiq pour qu’il subisse des contrôles médicaux, ce qu’il a refusé, toujours dans le cadre de sa protestation, a déclaré l’avocat aux médias.

Un juge du tribunal militaire israélien a confirmé mardi l’arrêt de trois mois de détention administrative contre Al-Qiq, un journaliste de l’agence de presse saoudienne al-Majd.

“La décision d’aujourd’hui d’approuver la détention administrative de Muhammed al-Qiq est un affront à la justice. La détention administrative pratiquée par Israël, qui est principalement utilisée pour détenir des Palestiniens sans inculpation ni jugement, est arbitraire et abusive”, a déclaré Amnesty International ce même jour.

Al-Qiq a été kidnappé par les forces d’occupation en janvier, moins d’un an après avoir été libéré de prison à la suite d’une grève de la faim de 94 jours pour protester contre la détention administrative.

Multiplication des emprisonnements de journalistes

La détérioration de sa santé s’est produite alors qu’un autre journaliste palestinien, Omar Nazzal, a été libéré après qu’Israël l’ait détenu pendant 10 mois sans inculpation ni jugement.

Nazzal, libéré le 20 février, a été détenu en vertu d’une ordonnance de détention administrative rendue par un tribunal militaire. L’ordonnance a été renouvelée à trois reprises depuis son arrestation en avril dernier alors qu’il tentait de quitter la Cisjordanie occupée pour assister à une convention de journalisme en Bosnie.

Plus d’une douzaine de journalistes palestiniens et de travailleurs des médias restent derrière les barreaux israéliens. Certains sont détenus sans accusation ni procès, comme al-Qiq, et d’autres ont été frappés par des accusations d’incitation [à la résistance] liées à leur travail.

Quatre journalistes de la station de radio al-Sanabel à Dura, près de la ville de Hebron en Cisjordanie, kidnappés lors d’un raid militaire israélien en août dernier, sont parmi ceux qui sont accusés “d’incitation”.

L’armée israélienne accuse la station de radio de diffuser des chansons comme “Dura the Mighty” et d’appeler à “frapper” les soldats israéliens sur les ondes et sur sa page Facebook.

Le mois précédent avant le raid d’août, les soldats des troupes d’occupation ont blessé par balles deux jeunes de Dura, alors que l’armée assiégeait la région environnante.

L’acte d’accusation des militaires indique que Nidal Amro, l’un des journalistes accusés, a signalé l’emplacement des soldats israéliens lors d’une émission en direct pendant une opération de l’armée qui a eu lieu environ une semaine après le siège sur la zone.

Un autre journaliste d’al-Sanabel, Muntasir Nassar, aurait diffusé un hommage à Muhammad al-Faqih le lendemain de la mort de de jeune Palestinien, écrasé par les bulldozers des forces israéliennes d’occupation qui voulaient l’arrêter.

“Que Dieu ait pitié de ton âme et que Dieu te reçoive au ciel éternel, ô héros”, dit l’acte d’accusation de Nassar en citant ses propos sur les ondes.

Détentions sans accusations ni procès

Hassan Safadi, coordinateur des médias pour le groupe des droits des prisonniers Addameer et journaliste, est également emprisonné sous le coup de la détention administrative.

Safadi a été kidnappé en mai dernier alors qu’il revenait d’une conférence en Tunisie.

Résident de Jérusalem, Safadi a été emmené dans un centre de détention de la ville où il a été interrogé pendant 40 jours et soumis à des privations de sommeil, à des situations de forte pression et à une mauvaise alimentation.

Un tribunal de Jérusalem a ordonné sa libération en juin, mais le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a signé une ordonnance de détention administrative contre Safadi le jour même de sa libération.

En décembre, Safadi a été condamné à six mois de détention.

Osama Shaheen, journaliste et responsable du Centre d’études des prisonniers palestiniens, est retenu en détention administrative. Shaheen a été convoqué pour interrogatoire par les services de renseignements palestiniens avant son arrestation par Israël le 1er septembre.

Le mois dernier, le journaliste Hamam Hantash a également été condamné à la détention administrative.

Plus tôt ce mois-ci, le Centre palestinien pour le développement et les libertés des médias (MADA), un groupe qui surveille la liberté de la presse en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, a publié son rapport annuel sur les violations de la liberté de la presse durant l’année 2016.

Les violations de la liberté de la presse commises par Israël l’année dernière ont été légèrement moins nombreuses qu’en 2015, qui avait vu une recrudescence des abus à la suite des affrontements entre les forces israéliennes et les Palestiniens en Cisjordanie.

Malgré cette diminution, le groupe de surveillance a déclaré qu’Israël continue de fermer les médias, d’emprisonner des journalistes et d’exercer des pressions sur les entreprises propriétaires des médias sociaux pour restreindre l’expression politique.

2 mars 2017 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine