Les projets du Qatar de construire un gazoduc vers la Méditerranée ont été une cause majeure de l’éclatement de la guerre civile syrienne. Sept ans plus tard, les réserves de pétrole et de gaz de la Syrie à l’est de l’Euphrate, et en particulier autour de Deir az-Zour, pourraient déclencher la troisième guerre mondiale.
Quatre engins volants militaires ont été abattus au-dessus de la Syrie en l’espace d’une d’une semaine: un F-16 israélien abattu par un missile syrien de fabrication russe, un jet russe frappé par un missile surface-air porté à l’épaule et fabriqué aux États-Unis, un drone iranien sans pilote a été intercepté par des missiles israéliens et un hélicoptère turc a été abattu dans la campagne d’Afrin par des combattants kurdes soutenus par les États-Unis.
Les avions de combat d’au moins six pays envahissent l’espace aérien de la Syrie, y compris ceux des superpuissances américaines et russes, tandis que de nombreuses guerres par procuration font rage au sol, impliquant des parties arabes, régionales et internationales. C’est la preuve d’une guerre froide qui se réchauffe de jour en jour et pourrait avoir toutes sortes de conséquences imprévisibles.
Jeudi dernier, le ministère russe des Affaires étrangères a reconnu que cinq citoyens russes avaient été tués dans des frappes aériennes et par des missiles américains contre des combattants pro-gouvernementaux à l’est de Deir az-Zour. Ils ont été identifiés comme des contractants militaires travaillant avec des groupes armés ou des milices liés au régime syrien.
C’était la première fois que les Russes étaient tués en Syrie en conséquence directe de l’action militaire américaine, plutôt que par des groupes armés soutenus par les Américains. Cela pourrait avoir de graves conséquences si les Russes décidaient d’une manière ou d’une autre de riposter. Les dirigeants russes ont plutôt tendance à exercer un contrôle sur eux-mêmes et à éviter de réagir de manière précipitée et directe. Ils ont rapidement réfuté les informations publiées aux États-Unis affirmant que le nombre de victimes russes en Syrie était beaucoup plus élevé, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, disant aux journalistes de façon exaspérée, que ce chiffre n’était pas 400, 200, 100 ou même 10… mais de cinq.
Mais ce n’est pas le nombre qui compte ici. C’est le précédent, ses implications futures, et son impact sur la guerre par procuration entre les deux superpuissances sur le territoire syrien. Cette guerre s’intensifie et pourrait conduire à des confrontations et des affrontements directs dans les jours à venir à la suite d’une erreur commise ici ou là, qu’elle soit accidentelle ou délibérée.
Les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention de retirer leurs 2 000 militaires de Syrie même après l’expiration du prétexte original de leur déploiement, à savoir combattre le groupe de l’État islamique (EI). Les responsables de l’administration US ont affirmé à maintes reprises que ces forces resteront indéfiniment afin de contrer l’influence iranienne dans le pays.
Une théorie qui circule parmi les analystes occidentaux ces jours-ci est que le président Donald Trump et ses conseillers militaires veulent mettre en scène une répétition du scénario de l’Afghanistan en Syrie. Les Kurdes, et en particulier les Forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les États-Unis, ainsi que certains des groupes armés extrémistes islamistes, deviendraient les “nouveaux moudjahidins”, faisant la guerre aux forces russes comme leurs homologues afghans contre les forces soviétiques dans les années 1980.
Le président russe Vladimir Poutine n’est pas disposé à permettre que cela se produise. Il n’abandonnera pas les importants succès emportés en Syrie depuis son intervention militaire de 2015, à un coût élevé en sang et en argent. De plus, la Russie est à la tête d’une forte alliance de puissances régionales comprenant l’Iran, potentiellement la Turquie, et indirectement le Hezbollah au Liban avec la Syrie et la majeure partie de l’Irak. De même, la présence des forces russes en Syrie est légale puisqu’à l’invitation de l’État hôte, contrairement à la présence militaire américaine qui a été établie par infiltration et n’a pas de couverture légale, comme le soulignent constamment les Russes et les Syriens.
Inversons le scénario afghan dont on parle ces jours-ci. Peut-être que ce sont les États-Unis qui sont tombés dans le piège cette fois-ci, et qu’ils en paieront un prix élevé et humiliant en Syrie et en Irak, où ils conservent plus de 8 000 soldats ainsi qu’une foule de mercenaires. Les États-Unis sont détestés dans la plupart des pays de la région, à l’exception de leurs alliés kurdes et israéliens, et sont maintenant confrontés au possible effondrement de leur alliance vieille de sept décennies avec la Turquie.
Le son des tambours de guerre est de plus en plus fort dans la région et il domine tout le reste – et nous ne parlons pas ici de plans pour la paix, que les Américains ont complètement enterrés. Les prochains jours et semaines pourraient être remplis de développements inattendus, encore plus surprenants que la destruction du F-16 israélien.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
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18 février 2018 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine