
5 février 2025 - Dans le sud de la bande de Gaza, la municipalité de Rafah a demandé 40 000 tentes et unités d'hébergement d'urgence supplémentaires pour les habitants de la ville, qui accueille toujours des milliers de personnes déplacées dont les maisons ont été détruites dans d'autres zones de l'enclave; les eaux usées et les eaux de pluie ont pénétré dans des centaines de tentes et d'abris pour les personnes déplacées, soulignant l'impossibilité de traiter ces eaux en raison du manque d'équipement nécessaire - Photo : Hani Alshaer / Anadolu
Par Samah Jabr
La proposition de Trump de « nettoyer » et de prendre le contrôle de Gaza et de déplacer sa population n’est pas seulement un jeu politique, c’est une attaque contre l’âme même de la Palestine.
Il s’agit d’une déclaration Balfour des temps modernes, où une puissance étrangère, sans droit ni consentement, dans une logique de puissance, décide du sort d’un peuple.
Elle rappelle que, pour certains, les Palestiniens ne sont encore que des pions dans un jeu géopolitique, qu’il faut déplacer et remodeler au profit de quelqu’un d’autre.
Mais on ne peut pas effacer d’un trait de plume l’histoire d’un peuple, ses liens, son attachement à la terre. Ce n’est pas seulement de la politique, c’est de la guerre psychologique.
La Palestine n’est pas seulement un endroit sur une carte. C’est un foyer. C’est un héritage. C’est l’endroit où les souvenirs se créent, où la joie et la douleur s’entremêlent, où des vies ont été vécues pendant des générations.
Le déplacement n’est pas seulement physique ; c’est une blessure qui continuera à saigner à travers les générations.
Aucune incitation économique, aucune promesse mirobolante d’une « Riviera du Moyen-Orient » ne peut guérir cela.
L’invitation de Trump au président israélien, alors qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, est un mépris du droit international.
Leur projet de transformer Gaza en un « paradis » pour les riches du monde n’est pas seulement absurde, c’est un projet pour un autre crime de guerre, un appel au nettoyage ethnique, au déplacement forcé et à la négation de l’existence des Palestiniens, passés et présents.
Gaza n’est pas un terrain propice à la construction d’immeubles de luxe. Les gens ne sont pas des objets jetables.
L’histoire nous a appris que le déracinement forcé d’un peuple ne peut se faire. Les Palestiniens ne vont et n’iront nulle part.
Leur lien avec la terre est dans leur sang, dans leurs os, dans leur existence même. Et ils résisteront aussi longtemps qu’ils respireront.
Alors, pour ceux qui se soucient des droits de l’homme et du droit international, qui déplorent l’effacement des peuples indigènes à travers le monde, qui reconnaissent les cicatrices laissées par le colonialisme, le moment est venu de se manifester.
Soyez à nos côtés en Palestine, pendant qu’il est encore possible d’arrêter cette folie. N’attendez pas que le monde n’ait plus que des regrets à formuler.
Ce qui se passe à Gaza est plus que de la politique ; c’est un test d’humanité. Un test que nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer à nouveau.
N’attendons pas une nouvelle série de vaines excuses. C’est maintenant qu’il faut agir !
Auteur : Samah Jabr
* Dr Samah Jabr est une psychiatre consultante exerçant en Palestine, au service des communautés de Jérusalem-Est et de Cisjordanie, et ancienne responsable de l'unité de santé mentale au sein du ministère palestinien de la santé. Elle est professeur clinique associée de psychiatrie et de sciences du comportement à l'université George Washington à Washington DC. Elle est également membre du comité scientifique de l'« Initiative mondiale contre l'impunité (GIAI) pour les crimes internationaux et les violations graves des droits de l'homme », un programme cofinancé par l'Union européenne.Dr Jabr est formatrice et superviseuse, avec un accent particulier sur la thérapie cognitivo-comportementale (CBT), le mhGAP et le protocole d'Istanbul pour la documentation de la torture. Elle s'intéresse particulièrement aux droits des prisonniers, à la prévention du suicide et aux traumatismes historiques.Elle est une femme écrivain prolifique. Son dernier livre paru en français : Derrière les fronts – Chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation.
Le Dr Jabr intègre son expertise médicale à son activisme, abordant souvent l'impact psychologique de l'occupation, des traumatismes historiques et de la guerre. Elle est l'un des membres fondateurs du réseau mondial de santé mentale de la Palestine et donne de nombreuses conférences sur la psychologie de la libération et les responsabilités éthiques des professionnels de la santé mentale dans les zones de conflit.
6 février 2025 – Transmis par l’auteure – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah