Par Samah Jabr
Dans le cadre de l’attaque militaire incessante d’Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza, le sort des enfants de l’enclave assiégée s’aggrave de jour en jour. La nécessité d’un soutien psychologique et social pour ces jeunes âmes était déjà évidente avant l’escalade actuelle, mais elle a maintenant atteint un point critique.
Pour reprendre les termes du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, Gaza s’est tragiquement transformée en un cimetière pour enfants. Il est choquant de constater qu’environ 17 000 enfants de Gaza ne sont pas pris en charge par leur famille ou sont séparés d’elle, ce qui intensifie leur angoisse psychologique et sociale.
Les médecins sur le terrain ont inventé une abréviation sinistre : « WCNSF » signifie « wounded child, no surviving family » (enfant blessé, sans famille survivante) et souligne la réalité déchirante à laquelle sont confrontés d’innombrables enfants palestiniens à Gaza. Chaque jour, des dizaines d’enfants subissent des amputations qui les laissent avec des handicaps permanents, tandis que le spectre de la famine plane, exacerbant une situation déjà désastreuse de malnutrition et d’anémie.
La violence qui ravage Gaza inflige de profondes blessures psychologiques à ses enfants.
Ils ont un besoin urgent d’aide pour surmonter les horreurs quotidiennes dont ils sont témoins et qu’ils endurent. Au fur et à mesure que le nombre d’enfants ayant besoin d’aide augmente, le défi devient de plus en plus décourageant et complexe.
L’UNICEF insiste sur la nécessité absolue d’apporter un soutien psychologique, social et affectif à tous les enfants confrontés à de graves violences à Gaza. Pourtant, les conséquences de la guerre vont bien au-delà de l’immédiat, jetant une longue ombre sur leur avenir.
Les traumatismes qu’ils subissent menacent d’éroder leur confiance dans le monde, de briser leur sens de l’objectif et d’entraver leur capacité à se rapprocher des autres et d’eux-mêmes, favorisant un sentiment d’insécurité omniprésent qui risque de les hanter toute leur vie.
Les enfants, dans leurs tendres années de développement, sont particulièrement vulnérables aux conséquences psychologiques de la guerre. Leurs facultés cognitives et émotionnelles sont encore en pleine maturation, ce qui les rend mal équipés pour traiter les horreurs dont ils sont témoins.
Ils s’appuient fortement sur les personnes qui s’occupent d’eux pour trouver réconfort et sécurité, mais lorsque ces piliers vacillent sous le poids des traumatismes de la guerre, les enfants sont laissés à la dérive dans un océan de peur et d’abandon.
De plus, leur compréhension limitée du conflit aggrave leur détresse, les laissant aux prises avec la confusion et l’impuissance.
Les perturbations de leur routine, associées à l’exposition aux images, aux sons et aux odeurs de la guerre, exacerbent leur angoisse, déclenchant des réactions émotionnelles intenses et aggravant leurs cicatrices psychologiques.
Nous avons remarqué qu’une fille se figeait au son du tonnerre et qu’un garçon faisait preuve d’une grande anxiété lorsqu’il parlait de voir un char d’assaut.
La crise humanitaire à laquelle sont confrontés les enfants de Gaza exige une intervention urgente de la part de la communauté internationale et des organisations humanitaires. Leur innocence, combinée à leur dépendance à l’égard des soignants et aux attaques incessantes de la guerre, les rend exceptionnellement vulnérables.
Il est impératif que nous donnions la priorité à leur bien-être, en leur offrant le soutien et les ressources dont ils ont besoin non seulement pour survivre, mais aussi pour se rétablir et s’épanouir au milieu des décombres de Gaza.
Leurs appels à l’aide ne doivent pas rester lettre morte, car ils représentent l’espoir et l’avenir d’une génération prise dans le feu du génocide.
Auteur : Samah Jabr
* Samah Jabr est médecin-psychiatre et exerce à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Elle est actuellement responsable de l'Unité de santé mentale au sein du Ministère palestinien de la Santé. Elle a enseigné dans des universités palestiniennes et internationales. Le Dr Jabr est fréquemment consultante pour des organisations internationales en matière de développement de la santé mentale. Elle est Professeur adjoint de clinique, à George Washington. Elle est également une femme écrivain prolifique. Son dernier livre paru en français : Derrière les fronts - Chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation.
18 mars 2024 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau