Khader Adnan voulait vivre

Cheikh Khader Adnan, au moment de sa libération en juillet 2015 - Photo : archives

Par Samah Jabr

Eddie Cohen, le journaliste israélien, tente d’écarter la responsabilité des autorités de son pays de l’assassinat de cheikh Khader Adnan, en présentant sa mort tragique comme un suicide, tandis que certains sceptiques parmi notre peuple ont repris cette accusation et l’ont propagée, peut-être pour écarter l’accusation d’inaction.

Ce que l’on sait d’Adnan, c’est son discours plein d’espoir, de courage, d’altruisme, de sacrifice et son sens des responsabilités envers les familles des prisonniers et des martyrs.

Ces qualités sont en contradiction avec les indicateurs de risque et les signes avant-coureurs des personnes ayant des tendances suicidaires.

Quiconque a rencontré Adnan ne serait-ce qu’une fois, le respecte pour la vie. Il a laissé un grand impact positif sur moi-même, sur l’équipe de « Derrière les fronts » et sur les spectateurs du film, dont le thème tourne autour de la résistance et de la ténacité des Palestiniens.

Sa présence dans le film s’est faite à l’occasion de l’article que j’ai écrit, « L’homme ne vivra pas que de pain », puisque son interview s’est faite à l’hôpital, où il était en convalescence après avoir arraché sa liberté à la prison grâce à sa grève de la faim en 2015.

Ceux qui ne sont pas conscients des niveaux d’oppression psychologique et des tentatives d’assujettissement auxquels le prisonnier palestinien est soumis, en particulier le prisonnier administratif qui ne connaît pas de raison ou de fin à sa captivité, ne comprennent pas le choix de la grève de la faim comme une forme de résistance et une dernière tentative pour lutter contre le geôlier.

Certains peuvent considérer ce choix comme une forme de radicalisme psychologique ou une tentative de suicide.

La grève de la faim a été utilisée comme outil de résistance dans de nombreux mouvements et événements historiques, le plus célèbre étant son utilisation par le leader de l’indépendance indienne Mahatma Gandhi, qui a entrepris plusieurs grèves de la faim pour exprimer son opposition aux politiques de l’occupation britannique en Inde, et elle a également été utilisée ces dernières années comme outil de revendication des droits et libertés politiques dans plusieurs pays.

Adnan connaaissait bien la question des grèves de la faim. Je l’avais entendu parler des raisons qui l’ont poussé à faire la grève et de la manière dont il s’y est préparé. Il a également expliqué comment la grève constitue un outil de pression sur Israël, l’embarrasse et expose son arbitraire et sa tyrannie aux yeux du monde.

Le Dr Lina Qassem, responsable de « Médecins pour les droits de l’homme » dans les territoires palestiniens occupés, qui a suivi de près le cas d’Adnan, a déclaré que celui-ci refusait d’interrompre la grève mais acceptait d’être réanimé s’il perdait connaissance, parce qu’il n’était pas préoccupé par la mort, mais par la liberté, qui était sa principale revendication.

« Il a également insisté pour que des pressions soient exercées afin qu’il soit transféré dans un hôpital civil, ce qui confirme que tout discours sur le suicide est une pure calomnie. »

Le suicide est le fait de se tuer avec une intention et un dessein, mais le dessein d’Adnan était la libération.

D’autre part, le médecin d’Adnan a expliqué que nous devons prêter attention à l’hypothèse de l’alimentation forcée comme l’une des raisons qui ont conduit à sa mort, d’autant plus qu’Adnan lui avait expliqué, au 80e jour de la grève, que les médecins et les geôliers de la clinique de la prison de Ramla lui avaient parlé plus d’une fois de la possibilité de l’alimentation forcée.

Cette pratique est en totale contradiction avec la Déclaration de Malte adoptée par la Fédération internationale des médecins en 1991, qui définit clairement la marche à suivre en cas de grève de la faim, et qui indique que l’alimentation forcée est inacceptable et doit absolument être rejetée d’un point de vue moral.

La justice israélienne a joué la montre et tergiversé dans le cas d’Adnan, et l’administration pénitentiaire ne l’a pas envoyé à l’hôpital pour qu’il puisse être sauvé lorsque son état de santé se dégradait.

Un soutien national unanime pour le soutenir a aussi fait défaut.

Pour tous ceux qui s’interrogent « Adnan s’est-il suicidé ? », la réponse est : « Ce n’était pas un suicide, il a été tué délibérément. Nous le considérons comme un martyr national, et devant Dieu, nous ne louons personne ».

Khader Adnan restera une étoile brillante qui éclaire les ténèbres de la Palestine occupée, comme Shireen Abu Akleh et d’autres Palestiniens libres.

20 mai 2023 – alqods.com – Traduction : Chronique de Palestine