Le choc et l’étonnement exprimés par les dirigeants et les colons israéliens lors de l’attaque menée par le Palestinien Nimr al-Jamal, âgé de 37 ans, contre les forces israéliennes d’occupation dans une colonie au nord de Jérusalem – trois agents étant tués et un quatrième blessé grièvement – ne sont pas surprenants. Les Israéliens se sont convaincus que le peuple palestinien avait capitulé, que la voie de la normalisation avec le monde arabe leur était largement ouverte, que la plupart de ses régimes étaient devenus de loyaux alliés et que la coordination répressive avec l’Autorité palestinienne (AP) assurerait la protection de leurs soldats et leurs colons.
Quelques jours avant l’opération, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, avait déclaré qu’il n’était pas nécessaire que le “conflit” palestino-israélien se poursuive”. Le roi Hamad de Bahreïn avait exprimé sa conviction que tout boycott d’Israël devait être terminé (sans que Sa Majesté explique pourquoi le boycott que lui et ses alliés appliquent au Qatar voisin, serait devenu inadmissible dans le cas des Palestiniens et des Arabes contre un oppresseur qui occupe leurs terres).
Quiconque a écouté le discours de l’ex-président Mahmoud Abbas de l’Autorité palestinienne (AP) à l’Assemblée générale des Nations Unies, aura une bonne idée de l’ampleur des attaques subies par les Palestiniens dans les territoires occupés. Pour la énième fois, Abbas a réitéré des griefs de longue date : que l’Autorité qu’il dirige est dépourvue de pouvoir; qu’Israël ne parle pas sérieusement d’une négociation sur une solution à deux États; que l’expansion accélérée des colonies continue de dévorer le territoire palestinien. C’est pourquoi les Palestiniens ont très vite applaudi à l’attaque contre les gardiens de la colonie. Les groupes politiques palestiniens ont salué l’opération, le Hamas et le Jihad islamique la qualifiant d’héroïque et le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) appelant à une campagne continue d’attaques contre ces colonies afin de rendre pour l’occupant leur présence coûteuse, impossible à protéger et à maintenir.
Ce qui est étrange dans les diverses déclarations faites par les autorités d’occupation israéliennes à propos de l’attaque, c’est qu’elles s’étonnent que Nimr n’était pas politiquement actif, n’appartenait à aucune organisation et n’avait pas été emprisonné, et qu’il avait subi moult contrôles de sécurité avant de se voir accorder un permis pour un travail faiblement rémunéré dans une colonie. C’est comme si les Israéliens s’attendaient à ce que les Palestiniens ordinaires – qui souffrent quotidiennement d’humiliations et d’insultes à des barrages militaires; voient leurs amis assassinés par des soldats israéliens; des maisons détruites et des familles laissées totalement démunies; avec en même temps des colonies qui poussent comme des champignons sur les terres de leurs ancêtres – se transforment en esclaves obéissants de l’occupation simplement pour obtenir dans des conditions humiliantes un permis sans lequel ils seraient incapables de nourrir leurs familles.
Les Israéliens et leurs partisans américains et européens font une grossière erreur en supposant qu’une fois que quelques dirigeants arabes auront serré la main des dirigeants israéliens, la question de la Palestine sera résolue. Ces dirigeants ne représentent pas leurs peuples. Ils ne se représentent même pas eux-mêmes, car ils sont privés de leur libre arbitre. Les décisions sont prises ailleurs pour eux et ne sont ni libres ni gratuites. Plus important encore, la volonté populaire de résister par tous les moyens légitimes reste forte et puissante, même si elle peut être étouffée pendant de courtes périodes.
Les Israéliens ont eu de nombreuses et précieuses opportunités pour parvenir à la paix. Mais ils les ont gaspillées en raison de leur arrogance et de leur avidité. Ils ont estimé qu’ils étaient trop puissants pour avoir besoin du moindre compromis et ont plutôt choisi d’imposer un régime d’apartheid. Ces opportunités, à mon avis, ne se présenteront plus. Après avoir rendu obsolète une solution à deux États, les Israéliens sont maintenant confrontés à un peuple palestinien qui croit en l’établissement d’un État indépendant sur l’ensemble du territoire palestinien, basé sur la coexistence et l’égalité.
Nimr al-Jamal était une personne toujours calme et d’apparence tranquille, mais il bouillonnait intérieurement de colère et d’humiliation. Il ne sera certainement pas le dernier à suivre la voie qu’il a choisie, tant qu’Israël maintiendra son occupation et refusera une paix équitable.
Malgré toute leur force et leur sophistication, les agences d’Israël du renseignement ne peuvent pas empêcher des attaques comme celles-ci, même si la coopération en matière de répression avec l’AP était multipliée par 20. Que peuvent-elles faire pour dissuader quelqu’un qui est prêt à mourir pour faire payer un prix à l’occupation ? Le tuer ?
Les Israéliens continuent de démontrer une ignorance surprenante à l’égard du peuple qu’ils obligent à vivre depuis si longtemps sous le joug de leur occupation.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
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27 septembre 2017 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah