Les Thawabit palestiniennes : des constantes qui n’en sont plus

Photo : Haidi Motola/Activestills.org

De jeunes Palestiniennes scandent des slogans lors de la marche annuelle de la Journée de la terre de Sakhnin à Deir Hanna, dans le nord d'Israël [Palestine de 1948], le 30 mars 2017 - Photo : Haidi Motola/Activestills.org

Le 11 mars 2025, le Mouvement de libération nationale palestinien (Fatah) a accusé le Hamas de vouloir tenir des négociations secrètes avec des entités étrangères. Le Fatah a affirmé que le Hamas faisait continuellement des concessions sur les « thawabit », les ainsi-nommées constantes nationales.

En 1977, le Conseil national palestinien a déclaré un ensemble de principes inviolables, les qualifiant de thawabit.

Lorsque les Palestiniens invoquent les thawabit, ils font référence à des principes qui semblent gravés dans le marbre, immuables et non négociables : le droit à la résistance, le droit au retour, Jérusalem comme capitale de la Palestine et l’autodétermination.

Ces mots résonnent fort dans les discours, les déclarations politiques, l’éducation, la poésie et sur les banderoles. Mais ces constantes sont-elles vraiment constantes ? Ou sont-elles des constructions politiques qui évoluent en fonction des intérêts et des nécessités ? Protègent-elles les Palestiniens ou sont-elles utilisées pour les contrôler et les manipuler ?

L’utilisation excessive des thawabit dans les médias et le discours politique ne les a pas renforcées, elle les a vidées de leur sens dans la pratique.

Les contradictions

  • Le droit à la résistance : un concept vague et élastique. Fait-il référence à la résistance non violente, à la lutte armée ou aux deux ? Justifie-t-il les opérations individuelles ou seulement les mouvements organisés ? L’interprétation change en fonction de la position politique de la personne qui l’invoque.
  • Le droit au retour : un droit sacré dans le discours public, mais en comité restreint, certains dirigeants discutent de « solutions créatives » telles que la réinstallation et l’indemnisation, d’autres le rejettent simplement comme étant impraticable.
  • Jérusalem comme capitale de la Palestine : une phrase prononcée avec fierté lors des rassemblements politiques, mais les responsables politiques ne font pas grand-chose pour arrêter sa judaïsation. Certains dirigeants palestiniens rencontrent des responsables israéliens dans la ville même qu’ils revendiquent comme leur capitale, comme si la reconnaissance de l’occupation était devenue une réalité que l’on accepte de fait.

Qu’est-ce qui est vraiment constant ?

Les thawabit peuvent servir d’excuse à l’inaction. Il existe une différence fondamentale entre les thawabit en tant que principes directeurs qui protègent les droits des Palestiniens et les thawabit en tant que slogans creux dont on se sert pour intimider les opposants et justifier la paralysie politique.

Lorsque l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a été chassée de Beyrouth en 1982, elle a déclaré : « Nos thawabit ne changeront jamais ! » Pourtant, des années plus tard, les accords d’Oslo ont marqué un changement radical, violant presque toutes les constantes précédentes.

Ces concessions n’étaient pas le résultat d’un débat national ou d’un référendum, mais étaient justifiées sous couvert de « pragmatisme politique », ce qui a eu des conséquences désastreuses.

Pouvons-nous discuter des thawabit ?

La question la plus pressante n’est pas seulement de savoir ce que sont les thawabit, mais qui a le pouvoir de les définir :

  • Sont-elles définies par les organisations ? Pourtant, les organisations elles-mêmes sont divisées, chacune prétendant défendre les véritables thawabit.
  • Sont-elles dictées par l’Autorité palestinienne ? Mais cette même autorité a fait des concessions au nom du « réalisme politique ».
  • Appartiennent-elles au peuple ? Mais le peuple lui-même est pris entre des discours contradictoires : l’un de résistance ardente dans le discours public et l’autre d’adaptation silencieuse à une réalité bien sombre.

Même les documents officiels palestiniens révèlent des contradictions : certains déclarent les thawabit « non négociables », tandis que d’autres parlent de « flexibilité tactique », souvent un euphémisme pour désigner des concessions.

Une nouvelle génération palestinienne, ayant grandi dans un contexte d’accords de paix ratés, de fragmentation politique et de siège, commence à poser des questions qui étaient autrefois taboues :

  • Si les thawabit sont si sacrés, pourquoi leurs définitions ne cessent-elles de changer ?
  • Pourquoi n’ont-elles pas réussi à empêcher les divisions entre factions et l’effondrement du projet national ?
  • Comment un discours rempli de principes inébranlables peut-il coexister avec une réalité pleine de concessions ?

Dans le camp assiégé de Jénine, alors que de la fumée s’élevait des ruines d’une énième maison, un vieil homme s’essuya la poussière sur le visage et dit : « Ils prêchent les thawabit comme une doctrine sacrée, mais ici, assiégés, nous avons appris la vérité : les principes ne vous protègent pas, la résistance peut-être. »

Certains peuvent craindre que remettre en question les thawabit n’affaiblisse la cause palestinienne. Pourtant, le vrai danger ne réside pas dans leur réexamen, mais dans leur exploitation comme discours doctrinaire, pour faire taire la pensée critique et empêcher tout changement significatif.

L’objectif n’est pas d’abandonner nos droits fondamentaux, mais de les redéfinir de manière à ce qu’ils soient pratiques et applicables, et non pas de simples formules de pure forme.

Les Palestiniens ont besoin de thawabit qui nous appartiennent à tous, reflétant notre lutte en constante évolution, plutôt que d’une rhétorique politique vide imposée d’en haut.

12 mars 2025 – Transmis par l’auteure – Traduction : Chronique de PalestineVersion originale – Lotfallah

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