Birmanie : les responsabilités d’Israël dans les crimes contre les Rohingyas

Photo : Mahmud Hossain/Al-Jazeera
Mohammed Rafiq, 24 ans, tient dans ses bras son fils âgé de 8 mois. Son épouse a été assassinée par l'armée birmane - Photo : Mahmud Hossain/Al-Jazeera

Par Ali Abunimah

Israël veut couvrir ses responsabilités dans les crimes commis contre les Rohingyas en Birmanie.

Israël essaie d’enterrer les informations sur ses ventes d’armes au régime militaire birman, que l’ONU accuse de campagne “brutale” contre la population musulmane des Rohingyas dans le pays. Toujours selon l’ONU, cette campagne constitue un “parfait exemple d’un manuel de nettoyage ethnique”.

Des centaines de milliers de Rohingyas ont fui leurs maisons et leurs villages alors que l’armée et des bouddhistes fanatiques brûlent leurs villages.

Amnesty International et Human Rights Watch affirment que l’armée du Myanmar, également connue sous le nom de Birmanie, commet des crimes contre l’humanité.

“L’armée a commis une déportation forcée, des meurtres, des viols et une persécution générale contre les musulmans Rohingyas dans le nord de l’État de Rakhine, entraînant d’innombrables morts et des déplacements massifs”, a déclaré Human Rights Watch.

La dirigeante du Myanmar, prix Nobel et ex-prisonnière politique Aung San Suu Kyi, a fait l’objet de lourdes critiques au niveau mondial pour ses faux-fuyants et ses justifications des atrocités.


Les réfugiés rappellent les horreurs vécues en Birmanie

“Régime dictatorial”

L’avocat israélien et militant des droits de l’homme Eitay Mack a depuis longtemps fait campagne pour forcer Israël à révéler et à stopper ses ventes d’armes à divers régimes répressifs et violents.

Cette semaine, l’avocat de l’État israélien a demandé à la Haute cour de classer rétroactivement tous les dossiers et procédures relatifs au dernier procès de Mack, qui tente d’obliger le gouvernement à mettre fin à ses ventes d’armes au Myanmar.

Dans une déclaration par courrier électronique, Mack a comparé cette requête aux méthodes d’un “régime dictatorial”.

Les juges ont rejeté la demande de censure, mais ont accepté d’imposer le secret sur la question qu’ils devraient débattre mercredi.

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Mack a déclaré que les juges ont décidé de classer leur décision sans lui donner ni à d’autres parties la moindre possibilité de répondre à la requête de l’État.

Lors d’une audience lundi, les juges ont entendu des témoignages à huis clos sur les relations d’Israël avec le Myanmar. Le journal israélien Haaretz a signalé que, dans la partie ouverte de la session, un représentant du gouvernement “a refusé de commenter le problème ou d’indiquer si Israël cesserait d’armer l’armée du Myanmar”.

“La tentative des ministères de la défense et des affaires étrangères et de l’avocat de l’État de faire taire le public et de dissimuler l’implication israélienne dans les crimes contre l’humanité, ne doit pas aboutir”, a promis Mack.

Comme il l’a souligné, les liens croissants entre Tel-Aviv et l’armée du Myanmar ne peuvent plus être aisément dissimulés.


Les attaques contre les Rohingyas ont fait des milliers d’orphelins

Faire son marché en armements…

En 2015, Min Aung Hlaing, un général de haut niveau de l’armée du Myanmar, s’est rendu en Israël, s’arrêtant dans certaines de ses plus grandes entreprises d’armements, notamment Elbit Systems et Israel Aerospace Industries.

Le général a publié des photos sur Facebook de ses visites aux armateurs et aux bases militaires israéliennes, amenant ainsi Haaretz à en conclure que le Myanmar prévoyait d’acheter des patrouilleurs militaires israéliens.

Dans les années 1990, bien avant que la junte militaire du Myanmar ait reçu un lifting “démocratique” graĉe à Aung San Suu Kyi, “les consultants israéliens” ont contribué à la construction d’une usine d’armes pour le Myanmar, selon un rapport de 2007 d’Amnesty International.

Ce rapport appelait à un embargo international général sur les armes destinées au Myanmar.

Armer des régimes parias

Dans un éditorial mercredi, Haaretz a exhorté les législateurs israéliens à se réunir pour mettre un terme à la “honte” d’Israël qui vend des armes à des régimes aussi brutaux.

Haaretz a noté qu’Israël avait une longue histoire dans l’armement – et de mensonges sur ses trafics – de forces qui ont perpétré des massacres en Bosnie, des dictatures militaires dont celles du Chili et de l’Argentine, et les Contras soutenus par les États-Unis au Nicaragua.

Harretz a ajouté qu’Israël continue à armer “les forces du mal” au Sud-Soudan.

Des armes israéliennes ont été utilisées dans le génocide du Rwanda de 1994, une question sur laquelle les juges israéliens ont également décidé d’imposer le silence.

Israël a toujours été disposé à soutenir les régimes parias. Il a fourni des centaines de millions de dollars d’armes à l’apartheid de l’Afrique du Sud alors que le régime suprématiste blanc était soumis à un embargo international.

“Une fois de plus, nous découvrons que l’état d’Israël n’est pas une démocratie comme il aime à se présenter”, a déclaré M. Mack, suite à la décision de la Haute Cour de classer sa décision. “De jour en jour, l’État d’Israël devient plus semblable aux États auxquels elle vend des armes”.

Des armes “testées sur le terrain”

Certains verront comme un sentiment louable de la part de Mack et Haaretz de voir Israël obligé d’agir selon une norme morale et qui ne soit pas une “honte”.

Les efforts de Mack pour dévoiler la vérité sont en effet utiles et admirables.

Mais lui et Haaretz le savent très certainement, Israël a été fondé sur le nettoyage ethnique de la population indigène de la Palestine.


Gaza – La route vers la guerre

Israël n’arrive à survivre en tant qu’État juif et d’apartheid qu’en imposant sans relâche sa politique raciste.

Il maintient un régime politique et juridique ouvertement raciste et une occupation militaire brutale qui prive des millions de Palestiniens de leurs droits les plus fondamentaux.

Cet État mène régulièrement des massacres de Palestiniens pour “tondre la pelouse“, dit-il, de la résistance des indigènes, et ses généraux et ministres menacent régulièrement de “détruire” le Liban.

Israël continuera à vendre des armes aux régimes parias, car ceux-ci ont depuis toujours été ses premiers clients.

Les Palestiniens, finalement, sont les sujets expérimentaux dont la souffrance permet à Israël de vendre dans le monde entier, ses technologies mortifères comme “qualifiées sur le terrain ».

A4 * Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.

27 septembre 2017 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine